La parfumerie Plassard

On ne peut pas ne pas être frappé par la hauteur et l’aspect monolithique de ce bâtiment. Il était proche de la place Marcel Sembat. On l’imaginerait volontiers consacré à l’industrie lourde. Pourtant c’est l’usine d’un parfumeur. Cette étrangeté a éveillé notre curiosité. Qui est ce parfumeur qui a vécu près d’un siècle et demi et est quasiment oublié, aujourd’hui ?

Ce grand bâtiment était situé au 92 rue du vieux pont de Sèvres, près de Marcel Sembat, mais cette vue est celle que pouvaient avoir les passants depuis l’avenue Edouard Vaillant. Sa silhouette toute en hauteur tranche avec les constructions industrielles de l’époque. La ruelle dans laquelle jouent les enfants est aujourd’hui le passage Legrand.

Plan Plassard 1960
Localisation de l’usine Plassard en 1960

La vue depuis la cour n’est pas moins spectaculaire, avec cette grande cheminée au beau milieu (une de plus à Billancourt) :

La société Plassard a des racines anciennes.

Elle débute en 1815, sous le nom Demarson, puis Demarson et Cie, Demarson-Chételat et Chételat et Cie (des noms resteront d’ailleurs au fronton de l’usine). Au début du XIXème siècle, la maison Demarson avait contribué à enlever à l’Angleterre le monopole des savons de toilette. La société expose régulièrement, aux expositions nationales puis universelles de 1819, 1839, 1844, 1849, 1855, 1867 et 1878. A la fin du XIXème siècle, elle fabrique des savons pour le Bon Marché ou le Printemps, entre autres.

En 1891, Louis Plassard achète à M. Chételat le fonds de commerce. Il est parisien, a 29 ans et est le fils d’un gérant du Bon Marché. Il partage d’abord la direction de la société puis devient le seul directeur en 1894. Il rebaptise la société à son nom.

Il construit l’usine de Billancourt en 1897 au 92 rue du Vieux Pont de Sèvres. (En 1905 l’historien Penel-Beaufin parle de la « savonnerie du Grand Saint-Nicolas » mais est-ce bien la même ?).

Avec son épouse Joséphine Marie Maldan, Louis Plassard a un fils, René, qui nait en 1893. Celui-ci fait partie des pilotes d’avion qui ont combattu durant la première guerre mondiale. Il reçoit la Croix de guerre comme « pilote remarquable par son habileté, son adresse et son courage ». Il aura également, en 1896, une fille Marie Joséphine Louise Suzanne.

Les parfums Plassard recueillent de nombreux prix lors de concours et Louis est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1911.

Pour jouer aux courses

La société est victime d’une escroquerie astucieuse qui a fait le tour des rubriques de faits divers de France en 1907. Cette année-là, le chef du personnel, M. Jean Lemoine, 31 ans, qui avait toute la confiance de son employeur, vola dans la caisse de la société pour couvrir ses pertes aux paris hippiques. Pour masquer ses détournements, il imagina de se procurer un livre de comptes semblable à celui utilisé par la société. En imitant l’écriture et la signature du receveur des contributions, il gonfla artificiellement le montant des taxes payées, du montant qu’il avait volé. Le pot aux roses fut découvert et M Simon, commissaire de Police de Boulogne se rendit le 12 février 1907 au domicile de l’escroc pour l’arrêter. Celui-ci reconnut les faits. Il avait volé l’équivalent de 50 années du salaire d’un ouvrier !

Parfums, savons, fards et produits d’hygiène.

Les principales créations de Louis Plassard avaient pour nom : « Matsi », « Bouquet de Paris », « Meilleurs vœux, ou les eaux de Cologne « Avrilée » ou « A travers Bois ».

Outre les parfums, Plassard fabriquait des savons de beauté, des produits capillaires, des poudriers.

Les créations les plus marquantes remontent aux années 30. Entre 1900 et la seconde guerre mondiale, Plassard propose pas moins de 35 parfums différents. Certains sont vendus dans des flacons baccarat.

Louis Plassard décède en 1920 à Saint-Nectaire, à moins de 60 ans. Son fils René a-t-il repris l’affaire ? C’est probable car les recensements indiquent qu’il est « industriel savonnier » en 1936 et « parfumeur chez Plassard » en 1926, tout en continuant à faire partie des effectifs de l’armée de l’air jusqu’en 1932. La société entre en liquidation judiciaire en août 1939, peu de temps avant la seconde guerre mondiale, mais elle semble survivre car on trouve encore des publicités pour les produits de beauté Plassard en 1954.

Les seules traces de ce parfumeur aujourd’hui disparu se trouvent dans les sites de vente en ligne où ses flacons s’échangent entre collectionneurs.

Le bâtiment était encore debout en 1973. Nos anciens s’en souviennent peut-être encore aujourd’hui ? Il disparaît des photos satellites en 1976 pour être remplacé par des bâtiments résidentiels. La rue du Vieux Pont de Sèvres a été rebaptisée rue Marcel Dassault.

Rue du vieux pont de Sèvres, 92 Parfumerie Plassard
La même vue, aujourd’hui, depuis le passage Legrand.

2 Replies to “La parfumerie Plassard”

  1. j’ai en ma possession, une affiche publicitaire de l.plassard parfumerie a paris située au 17 rue du 4 septembre, une affiche encadrée qui devrait dater de la fin du 19 ième, elle est dans ma salle de bain, et pourrait interresser un collectionneur. une photo sera mise en ligne très bientot.

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  2. Encore une belle histoire de Billancourt, On y trouvait donc des fabricants de voitures, d’avion, de parfums etc J’aurais aimé y vivre à cette époque.

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