Cafouillage à la maison du prince polonais

Oups… la boulette ! La « maison du prince polonais » n’est pas la maison du prince polonais.

Souvenez-vous, en mai 2022 nous publiions un article sur cette une magnifique demeure située entre la rue du Vieux pont de Sèvres et la route de Versailles (Général Leclerc). Durant les années Renault, elle avait abrité le Cercle de Usines Renault. Bombardée durant la seconde guerre mondiale, elle avait été détruite. Elle était située dans un grand parc qui longeait la rue Heyrault actuelle.

Prince Eustachy Kajetan Sapieha
Prince Eustachy Kajetan Sapieha – Wikipedia

Par ailleurs l’historien Couratier, dans « les rues de Boulogne-Billancourt », écrivait en 1962 au sujet de la rue Heyrault : « Le domaine [du notaire Heyrault] fut acquis par le comte Mostowska, ancien ministre de Pologne dont la fille se maria en 1842 avec le prince Sapieha. La maison fut connue longtemps sous le nom de ‘maison du prince polonais’ « .

Nous avions retrouvé l’adresse en 1865 de la princesse Sapieha dans l’ « annuaire cantonal de Neuilly, Boulogne, Clichy, Levallois » rue du Vieux Pont de Sèvres. Et cette adresse semblait bien correspondre, compte tenu de la numérotation de l’époque.

Mais, lors de nos recherches récentes sur la famille Castéja, nous avons réexaminé les cadastres de l’époque et, là, catastrophe, la résidence du prince Sapieha était en réalité de l’autre côté de la rue Heyrault, 100 mètres plus loin !

Les changements de numérotation de la rue du vieux Pont de Sèvres et des numéros de parcelles au cours du XIXe siècle nous ont trompés. La recherche historique est pleine de pièges dans lesquels nous sommes allègrement tombés à pieds joints.

Route de Versailles maison du prince polonais
La villa de la Feuillée (à gauche) – coll. le Village de Billancourt

Alors que faire ?

Trois solutions : Soit nous laissons les choses en l’état et faisons comme si de rien n’était, après tout, personne n’en mourra. Mais nous laissons une tache dans l’histoire de Billancourt.

Soit nous corrigeons discrètement (et honteusement) la coquille sans rien dire,

Soit nous en faisons un article à part entière. Et c’est cette dernière solution que nous adoptons ici, parce que finalement, le Village de Billancourt assume et corrige ses erreurs avec humilité (et humour), comme dans la vie.

L’article original est maintenant modifié, augmenté et renommé « La villa de la Feuillée » car c’est ce nom que nous donne l’historien Penel-Beaufin, dans son ouvrage de 1905.

Magloire Robert, le royaliste militant

Alors qui habitait dans cette « villa de la Feuillée » ? Nous avons découvert que le vrai propriétaire, en 1838, ne manquait pas d’intérêt non plus : Jean-Baptiste Magloire ROBERT, avocat de formation, était un royaliste engagé durant la révolution française.

Créateur de journaux, imprimeur et journaliste, il avait pris position par ses écrits qui lui valurent d’être arrêté à plusieurs reprises, ainsi que sa femme Angélique Lefebvre. Jean-Baptiste-Magloire Robert fut un meneur virulent lors de la réaction thermidorienne qui provoqua l’exécution de Robespierre en juillet 1794 et mit fin à la Terreur.

Le Directoire l’arrête le 8 août 1795, le relâche le 10, puis à nouveau le poursuivit le 5 octobre après l’insurrection royaliste.

Il fonde plusieurs journaux éphémères comme « la Gazette révolutionnaire « , « Chronique de l’Europe », « l’Observateur », « L’observateur de l’Europe ». Il échappe plusieurs fois à la police et relance ses publications sous le nom de sa femme Angélique Lefebvre dont il divorce volontairement dans le but de brouiller les pistes.

Le Directoire le déporte en 1797 à l’île d’Oléron avec d’autres journalistes royalistes pour « conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure de la république ».

A partir de la restauration (1814), il écrit plusieurs ouvrages comme Louis XVI à son auguste et respectable frère Louis XVIII (1814) ou Conjuration permanente contre la maison de Bourbon et les rois de l’Europe, (1820).

Intéressant : dans son ouvrage de 1814 Vie politique de tous les députés à la Convention Nationale, il affirme, arguments à l’appui, que, lors du procès de Louis XVI, la peine de mort avait été rejetée à une majorité de six voix ! Avait-il raison ? Cette position est aujourd’hui contestée.

Magloire Robert ne profitera pas longtemps de sa propriété de Billancourt car il y décède en janvier 1839, à l’âge de 73 ans.

Mais où donc résidait notre prince polonais ?

Le prochain article il aura bien sûr pour titre « La (vraie) maison du prince polonais« . On y trouvera également des nouveautés sur les familles polonaises Mostowski et Sapieha à Billancourt, mais aussi sur un certain Emile René Peltier, qui a donné son nom à une rue près du marché de Billancourt.

2 Replies to “Cafouillage à la maison du prince polonais”

  1. Comme disait surement un fameux de Boulogne-Billancourt en 1833 (à confirmer 8-)…) « il n’y a que ceux qui font rien qui ne trompent pas ». Lu avec plaisir cette enquête qui remet l’histoire à sa place. J’adore..

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