Vous le savez (ou pas), c’est en découvrant, en décembre 2018, une photo de la première église de Billancourt que ma curiosité pour l’histoire de notre quartier est née. Deux ans plus tard, mes amis m’encourageaient à créer le « Village de Billancourt« . C’est dire l’affection que j’ai pour elle.
Cette petite église, née simple chapelle en 1834 sur l’actuelle place Bir Hakeim, a disparu après la seconde guerre mondiale, victime des bombardements alliés. Elle nous est connue par de nombreuses photographies et cartes postales du début du XXème siècle, voir notre article. Mais que sait-on de l’intérieur ? Qui s’en souvient encore ?
Il existe bien quelques vues, mais de très mauvaise qualité, récupérées aux archives municipales. Nous avons décidé de vous les montrer quand même. Et j’en profite pour passer un appel. Avez-vous des vues de l’intérieur ? Une photo de mariage entre les deux guerres ? Un baptême ? Fouillez au fond des tiroirs de vos grands parents !


Penel Beaufin, l’historien de Boulogne-Billancourt, grand maniaque du détail, n’a pas manqué une miette des comptes-rendus de réunions, délibérations et décisions du conseil de fabrique (paroissial) et du conseil municipal, au début du XXème siècle. Il évoque, entre autres, les acquisitions de tableaux effectuées au fil des années, pour décorer l’intérieur de l’église, avec la date, le montant dépensé pour chacun, le nom du donateur, de l’artiste et parfois du copiste (souvent une femme). Nous avons complété cette description à l’aide de « l’inventaire général des œuvres d’Art appartenant à la Ville de Paris » (tome 1: 1878-1889). Pour beaucoup, il s’agit de copies de tableaux connus du musée du Louvre.
Et ça nous a donné une idée : reproduire la décoration de l’église ! Nous avons identifié, cherché et retrouvé, l’un après l’autre, chacun des tableaux originaux. Puis nous les avons situés, selon les indications de l’historien, à l’aide d’un plan de l’église conservé aux archives.
Nous vous emmenons faire une petite visite guidée.

Entrons dans l’église. Elle n’est pas bien grande, ni bien belle, mais c’est la nôtre. Ça sent un peu l’humidité et, à part l’occupant du tabernacle, il n’y a personne.
Suivez nous ! À gauche après l’entrée, nous découvrons les fonts baptismaux(1) avec un vitrail de saint Denis de Paris (2), puis trois vitraux de sainte Geneviève de Paris (3), saint François d’Assise (4), de saint Joseph et l’Enfant (5). Probablement des œuvres originales.
À gauche du chœur se trouve un autel à saint Joseph avec des tableaux de la visitation d’après Sébastien del Piombo (6) (copie par Mme Brincourt, acquis en 1863 pour 800 francs), une toile de saint Joseph, de l’école allemande, non identifiée et une vierge à l’enfant Jésus.

Dans la sacristie on découvre un tableau de l’assomption d’après le Sueur (7) et un mater dolorosa, d’après Philippe de Champaigne (8) dans le côté droit de la nef (copie par Mme Brincourt, acquis en 1866 pour 600 francs). Tous deux identifiés :


Mater dolorosa évoque la douleur de Marie au pied de la croix, soutenant son fils.
Dans le cabinet de M. le curé on a installé des tableaux de la Vierge au Raisin, d’après Mignard (9), de sainte Thérèse, de l’Ermite en prière, de l’Adoration des Mages. Seul le tableau de Mignard est identifiable. L’inventaire de 1878-1889 place ces toiles plutôt dans le sanctuaire.

Derrière l’orgue on a installé la Sainte Famille, d’après le Titien (auteur: Mathilde Duckett, acquis en 1866), très probablement une copie de ce tableau :

Le chœur abrite un maître-autel en mosaïque de style byzantin à fond orné de pierres de couleur brillant à la lueur des cierges. Il représente l’agneau entre deux paons dont la queue est déployée pour former le dessous de l’autel. Le tabernacle est fait de la même manière. L’autel est surmonté d’une statue de la Vierge (11) et encadré de grands candélabres (voir photo plus haut). L’inventaire mentionne dans le sanctuaire un vitrail de plus de 2m20 représentant la Vierge Immaculée, réalisé par Jules-Gaspard Gsell, élève d’Ingres.
L’église possède une relique de la Vraie croix, justifiée par un authentique de 1861, revêtu du sceau de l’archevêque. Le curé Gentil avait fait don, à son départ en 1873, d’un ostensoir en or et d’un calice en vermeil à émaux cloisonnés et quatre aubes brodées.
À droite du chœur on découvre la chapelle de la Sainte Vierge (voir photo plus haut), avec un magnifique tableau de l’Assomption, d’après Prud’hon (12) (copie de Mme de Garancière de Ribeira, acquise en 1866 pour 800 francs). L’assomption représente la montée de Marie au ciel à sa mort, selon la tradition. L’inventaire y place plutôt l’Assomption d’après Lesueur. Il note également la présence d’un petit tableau représentant l’éducation de la vierge.

Puis en retournant vers l’entrée, on trouve les statues en plâtre de Notre-Dame de Lourdes (13) de Sainte Thérèse de Lisieux et de saint Antoine de Padoue et un reliquaire du saint, statues probablement très ordinaires, similaires à celles qu’on trouve aujourd’hui dans toutes les églises de France.
En continuant à droite on peut admirer les vitraux de la Vierge Immaculée (14), de saint Antoine de Padoue (15) portant dans la main droite une pyxide avec l’Hostie (à Toulouse, une mule affamée s’agenouilla devant le saint Sacrement, ce qui amena la conversion du maître), de saint Augustin (16) et du roi saint Louis (17). Ces vitraux ont volé en éclats le 3 mars 1942, lors du bombardement allié qui détruisit tout le bas-côté.

La tribune, surmontant la porte d’entrée et destinée à recevoir l’orgue, porte une copie du très spectaculaire( près de 3 mètres de haut) Christ en croix, de Prud’hon (18) , don de Mme Huguet. Ce tableau semble placé dans une « chapelle des cahéchismes », selon l’inventaire :

Si on écarte ce grand Christ en croix, l’église a une décoration très mariale, ce qui ne doit pas surprendre, puisqu’elle est dédiée à l’Immaculée Conception. Les grands thèmes de la visitation, de la nativité, de la Vierge à l’enfant, de la Vierge au pied de la croix (mater dolorosa) et de l’assomption sont présents. Il ne manque guère que l’annonciation, moment où l’ange Gabriel apparaît à Marie.
Et voilà. Cette petite visite, nous l’espérons, a rendu à notre petite église de Billancourt ses couleurs, son visage et son âme.
Ajoutons qu’elle est en grande partie l’œuvre de son premier curé, l’abbé Gentil, un homme énergique et dévoué, dont l’histoire vaut le détour, souvenez-vous.
Bonne année 2022 à vous deux et à tous les lecteurs du blog.
Il y a toujours, une photo, une carte postale ou un document, qui donne naissance à une passion, une collection, ou un livre.
Pour moi, c’est une carte postale qui m’a lancé sur la piste de la révolte en 1911 des vignerons champenois, et une autre sur les inondations de 1910 à Boulogne et Billancourt.
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Un grand merci pour votre blog sur l’histoire de notre ville. Vos articles sont tous très intéressants. Je les lis avec le plan de la ville et aussi le bel ouvrage publié par la ville en 1995: »Boulogne-Billancourt :images d un autre temps » à partir d’anciennes cartes postales. Vous avez eu une excellente idée. J’habite Boulogne depuis 1996 et son histoire, son développement au fil du temps est passionnante.
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