Qui était le « père Judognon » ?

Cette carte postale des années 30 nous montre le restaurant végétarien du « Père Judognon » situé au 4 de l’avenue Pierre Grenier, près du rond-point du pont de Billancourt. La carte promet, au verso :

« Le Restaurant Végétarien du père Judognon, 4, avenue des Moulineaux à Billancourt est pour l’être humain comme un rayon bienfaisant du Soleil. Il communique la santé au corps, la tendresse au cœur, la sérénité à l’esprit. »

On peut dire que le personnage a le sens de la publicité !

Intrigués par cette curiosité nous avons découvert que ce restaurant insolite avait été créé par un personnage un peu fantasque, inventeur d’un concentré d’oignon en flacon : le Judognon (oui, le nom n’a sûrement pas été difficile à trouver).

Les produits Judognon

Le « père Judognon » en vante les mérites autant sur le plan de la santé que sur le plan pratique puisque la ménagère n’a plus à subir de crise de larmes lors de l’épluchage.

Parti sur sa lancée, notre génial inventeur crée et commercialise également le « Judail » et l’ « Echalotine ». Avons-nous besoin de commenter la composition de ces deux produits ?

Notons que notre inventeur ne s’embarrasse décidément pas de noms sophistiqués. Vous le remarquerez aussi, ces produits « possèdent toutes les vertus » et sont « un brevet de longue vie ». Et plus que ça, il « rend optimiste« . Pour un peu, il ressusciterait les morts ! On trouve tout de même, ici et là, dans la presse de l’époque, des médecins pour recommander ces produits.

On retrouve aussi de rares publicités jusque dans le magazine « Le Naturiste » de novembre 1934. Peut-être est-ce la raison pour laquelle sur la devanture du restaurant on peut aussi lire « produits naturistes » ? (Mais qu’est-ce qu’un produit naturiste ?).

On note au passage deux choses inattendues: le naturisme et les restaurants végétariens existaient déjà dans les années 30.

Mais qui est le « père Judognon » ?

Une recherche dans les registres du recensement de 1936, au 4 avenue des Moulineaux, nous révèle son identité. Il s’agit très probablement d’un certain Laurent Célestin Asso, né à Nice en 1868. Après deux divorces, il monte à Paris où il épouse en 1932 une alsacienne, Catherine Kutterhof. En 1936, ils sont recensés à Billancourt en tant que restaurateurs. Sa belle sœur Mathilde Kutterhof travaille aux cuisines, assistée par la nivernaise Céline Bonnard. Nous avons probablement là l’équipe au complet.

Une autre recherche nous informe que la « Société des produits Judognon » est, elle, domiciliée au 5 rue Bergère à Paris.

Ses produits ne connaissent finalement pas beaucoup de succès et la faillite de la société est publiée en 1939. Le père Judognon n’a alors plus que ses oignons pour pleurer. Selon le recensement de 1946, il est déjà parti. Le « père Judognon » meurt à Nice en 1955 à l’âge de 86 ans.

Le restaurant existe toujours aujourd’hui

L’immeuble est toujours là et c’est toujours un restaurant qu’on trouve au 4 rue Pierre Grenier : la sympathique pizzeria « le Colisée », où nous allons chercher nos pizzas le vendredi soir… avec de vrais morceaux d’oignon dessus.

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