L’école Ferdinand Buisson, version originale

Nous vous invitons aujourd’hui à la découverte de l’école élémentaire Ferdinand Buisson telle que les élèves de la saison scolaire 1932-1933 ont pu la découvrir, sans doute un peu intimidés par tant de modernité et l’ampleur des aménagements !

À l’époque, sa réalisation fut abondamment commentée dans les revues spécialisées en architecture. Elles furent élogieuses en ce qui concerne son plan, l’invention dans les détails, l’élégance de ses façades, la qualité des ses matériaux, et la technique d’exécution.

La Construction Moderne Avril 1933        L’Architecture d’Aujourd’hui  Janvier-février 1933                                      

Mais attention, il ne s’agit pas tout à fait de l’école que nous connaissons maintenant  !

En effet, avant même son achèvement, la municipalité admet avoir vu trop juste et envisage déjà son extension. Pour ce faire, elle achète en 1932 le terrain de l’émaillerie « Le Coq Gaulois » longeant la rue de Seine. Mais ce projet ne sera mené à bien qu’après guerre.

Sur cette photo actuelle, l’école « première » correspond à la partie de droite.

Une première qui a de la classe

Au cours de la visite de cette  » version originale  » de l’école, nous verrons à quel point son architecture particulièrement remarquable respectait alors le principe de la séparation des filles et des garçons jusque dans les moindres détails. Époque oblige !

Nous comprendrons mieux la fonction du monumental portique sur l’avenue des Moulineaux (aujourd’hui Pierre Grenier).

Nous évoquerons aussi un certain passage souterrain…mais aussi pourquoi l’entrée de la maternelle fut implantée rue du Point du Jour…et plein d’autres choses encore.

Boulogne-Billancourt est en manque d’écoles

Au début des années 1930, la ville dispose bien de cinq écoles primaires, mais l’augmentation de sa population impose de construire deux nouveaux groupes scolaires. Ces travaux sont financés par des emprunts et subventions de l’Etat et du Conseil Général de la Seine en contre partie de la construction d’habitations à bon marché sur le territoire de la ville.

La municipalité organise un concours d’architecture pour ces deux nouveaux groupes scolaires. Le cahier des charges comprend pour chacun une section pour les garçons, une autre pour les filles et une maternelle, soit au total 48 classes pouvant accueillir environ 2 300 enfants. Le projet  » Soleil  » de Jacques Debat-Ponsan, retenu en 1930, aboutira au groupe scolaire Jean-Baptiste Clément rue de Sèvres.

Pour le projet de l’école de l’avenue des Moulineaux, le défi est de taille car le terrain acheté en juillet 1929 par la municipalité est étroit : il a une profondeur moyenne de 105 mètres et une largeur de 40 mètres. Il s’étend de l’avenue des Moulineaux à la rue du Point du Jour. Il est enserré par des bâtiments industriels dont, à sa gauche, ce  » Coq Gaulois  » qui fabrique des objets ménagers en tôle émaillée.

Émile Cauwet remporte le concours devant neuf autres candidats pour son projet appelé « Vivre », sous réserve de prendre comme collaborateur un architecte plus expérimenté, Jacques Ogé. Les deux architectes signeront l’ouvrage.

Les aménagements extérieurs

On distingue bien les trois sections : l’école des garçons, celle des filles et la maternelle. Les sections des garçons et des filles sont identiques en surface et en aménagements, et bien séparées par un mur. L’entrée des garçons se fait par l’avenue des Moulineaux et celle des filles et des petits de la maternelle par la rue du Point du Jour.

Le terrain étant étroit et le nombre de salles de classe prévues étant de 20, la construction en hauteur du bâtiment principal s’impose.

Ce bâtiment principal comporte un rez-de-chaussée avec préaux, lavabos et infirmerie, deux étages pour les classes et un 3ème étage partiel avec terrasses, salles de dessin et bibliothèques.

La cour de l’école des garçons – L’Architecture d’Aujourd’hui  –   Vue en coupe du bâtiment principal – Construction Moderne

Les aménagements intérieurs

Le bâtiment principal d’abord, comme si vous y étiez :

Son rez-de-chaussée, ou préau. A droite, les lavabos, avec sèche-mains électriques, s’il vous plait ! Au fond à gauche l’infirmerie, et à droite l’imposante cage d’escalier et son puits de lumière naturelle.

Appréciez la hauteur sous plafond et les larges baies vitrées. Ordre, espace et propreté !

L’étage 1, celui des salles de classe (ici des garçons). C’est le même aménagement au deuxième étage. Des cours d’isolement, sorte de puits le long du mur mitoyen, assurent l’éclairage naturel des couloirs mais aussi des cages d’escaliers et même du passage souterrain que nous allons évoquer par la suite.

Le 3ème étage côté filles avec sa terrasse de récréation, sa salle de dessin et sa bibliothèque. Il est le jumeau inversé de celui des garçons.

L’école maternelle.

Son entrée est de plain-pied avec la rue du Point du Jour et le concierge est commun avec l’école des filles. Ici, pour de très jeunes enfants, pas d’étage à monter : la cour de récréation, le préau, les quatre salles de classe, le réfectoire et la salle de repos sont au rez-de-chaussée. Au sous sol la cuisine, fonctionnant au gaz, est équipée d’un ascenseur.

Les bâtiments annexes

Il s’agit, côté garçons, d’un réfectoire et d’un atelier pour le travail du bois et du fer. Côté filles, on trouve également un réfectoire et un atelier pour, vous ne l’auriez pas deviné, les travaux ménagers et la couture !

La cuisine, commune aux deux sections, est en avant corps des bâtiments annexes. Et puis il y a des WC le long du mur de séparation dont la chasse d’eau est commandée par le mouvement de la porte !

Au sous sol, respectant bien sûr la stricte séparation, des douches et des vestiaires.

Et puis, il y a ce mystérieux « passage soutterrin » (sic) évoqué au début et dont l’entrée se faisait par l’avenue des Moulineaux.

Le plan suggère que ce souterrain se prolongeait sous l’avenue des Moulineaux !

Tout éclaircissement sur ce sujet serait le bienvenu. Il aboutissait dans le préau des filles.

Voici son entrée sur l’avenue (flèche)

Il permettait aux écolières et aux petits de la maternelle habitant côté sud d’éviter le long détour vers la rue du Point du Jour, les garçons ayant leur entrée réservée par le portique que nous allons évoquer ci après. Je ne sais pas vous, mais je trouve ce souterrain pas très rassurant, surtout pour les plus jeunes.

Et concernant les garçons habitant du côté de la rue du Point du Jour, ils pouvaient, eux, bien faire le détour et se faire écraser. Etrange !

Ce passage est aujourd’hui fermé.

Un beau morceau d’architecture : le portique d’entrée à l’école des garçons

Sa forme est justifiée par la nécessité de compenser la différence de niveau entre l’avenue des Moulineaux et celle des cours de récréation, trois mètres plus haut.

La Construction Moderne

Symétrie, colonnades, monumentalité : c’est le classicisme dans une structure moderne. Les colonnes sont en grès de Champenay rose à veinage blanc, les marches en pierre de Comblanchien à l’aspect proche du marbre. Remarquez aussi les dalles de verre du toit joliment cintré et la grille en fer forgé.

Le concierge surveille depuis sa loge qui domine la situation, bien placée au centre !

Et puis…

Nous ne visiterons pas les services annexes : caves, chaufferie et locaux techniques, buanderie, salle des fournitures, conciergeries, bureaux du directeur et des directrices, salle de repos des instituteurs…car nous n’avons pas de photos. Et puis ça ne serait sans doute pas très palpitant.

Concernant le directeur (pour la section garçons) et les directrices (pour les sections filles et maternelle), leurs logements de fonction n’étaient pas en reste si l’on en juge par ce plan et cette photo.

A gauche : Les appartements des directrices sur la rue du Point du Jour. A droite : Le pavillon du directeur depuis la cour de récréation des garçons. Ce pavillon est aussi visible à gauche sur la photo d’entête – L’Architecte.

Mais chut ! vous n’avez rien vu de ces parties privatives.

Voilà, la visite est terminée. Elle vous a plu ? Il faut dire que l’école dans son état premier est une bien belle réalisation. Faut-il y voir l’influence d’André Morizet, alors maire de la commune, grand bâtisseur et urbaniste passionné d’architecture ?

Y a-t-il parmi vous d’anciens élèves ayant connu l’école telle quelle à son inauguration de juin 1934 ?

L’enseignement primaire a bien changé depuis et ce groupe scolaire n’a pas manqué d’évoluer au gré des bouleversements : si vous nous en parliez ?


Les archives municipales de Boulogne-Billancourt ont généreusement alimenté ce sujet. Que Monsieur Claude Colas, leur directeur, et son équipe en soient remerciés.

Les autres photos, descriptions et plans proviennent de trois revues d’architecture.

La photo d’entête est extraite de la revue « La Construction Moderne » de 1932-33. L’école y est vue depuis l’avenue Pierre Grenier, à l’époque « des Moulineaux ».

Ferdinand Buisson, philosophe, pédagogue et homme politique, a été un des promoteurs de l’enseignement laïque et obligatoire et fut président de la Ligue de l’Enseignement. Il obtient le prix Nobel de la paix en 1927. Il décède en 1932.

Laisser un commentaire