Le génial Marie Casimir Auguste de Gourcuff

Que sait-on de celui qui, au XIXème siècle, transforma la grande ferme médiévale de Billancourt en un lotissement résidentiel, le « nouveau Village de Billancourt » ?

Marie Casimir Auguste de Gourcuff est né le 11 novembre 1780 à Quimperlé en Bretagne, d’une famille aristocratique bretonne. L’annuaire de la noblesse française de 1878 mentionne le titre de comte. Il a huit enfants avec son épouse Agathe.

Exilé en Europe à la révolution française, il y découvre le métier nouveau de l’assurance, déjà développé en Allemagne et en Angleterre. De retour en France, il voit l’opportunité de créer sa propre affaire et fonde la première société d’assurance française : la Compagnie d’Assurances Générales. Et ça marche. Dès lors, plusieurs autres sociétés sont créées et prospèrent : l’Union (devenue UAP puis AXA), la Royale (devenue Nationale puis le GAN), les Assurances Générales et le Phénix 1828 (devenues les AGF et dont son fils Auguste sera le fondateur).

Calendrier Compagnie d'Assurances Générales
Calendrier de la Compagnie d’Assurances Générales

Mais venons-en à Billancourt.

Avec sa fortune et, probablement, l’héritage transmis par ses parents, il rachète la ferme monastique de Billancourt et ses 70 hectares de terre à Roch-Alexandre Chevalier, le 23 juillet 1825, pour la somme de 250.000 francs. Il a 45 ans. Il complète son acquisition auprès d’un autre propriétaire, Isidore Encelain.

Gourcuff a une idée : il veut transformer ce domaine rural depuis toujours en un lotissement résidentiel pour les parisiens en mal de campagne. L’idée est très novatrice pour l’époque.

Là où il n’y avait que des champs et des pâtures, il trace de nouvelles rues autour d’une place centrale : la future place Jules Guesde.

Ces rues bordées d’arbres deviendront la rue de Meudon, la rue Nationale, la rue Yves Kermen et la rue du Point du Jour. Il découpe ses terrains en 160 lots et trace d’autres rues comme la future rue traversière, la rue de Clamart et la rue d’Issy, et d’autres rues disparues aujourd’hui. Il transforme la grande allée de tilleuls qui joint la ferme à la Seine en une promenade : la future avenue Émile Zola, qu’il rend partiellement interdite à la circulation. Gourcuff mentionne les architectes qui ont collaboré : Camille Piron et Henri Duponchel, décorateurs en vogue. Dans l’almanach du commerce de Paris de 1837 on trouve un certain « Emile Quicherat, architecte du village de Billancourt ».

Billancourt est méconnaissable.

Gourcuff publie et diffuse, en 1826, sa brochure promotionnelle « Le nouveau Village de Billancourt » (voir notre post). 

Ce nouveau village de 70 hectares fait alors plus de 10% du territoire actuel de Boulogne-Billancourt.

Il y met en valeur le site, lové dans la boucle de la Seine, face aux îles et au coteau de Meudon. Il y vante l’accès facile par la route de Sèvres, tout en étant suffisamment éloigné pour n’être pas exposé à l’inconvénient de la poussière. Il promet une chapelle, un bac ou un pont vers le bas-Meudon (qui resteront à l’état de projet). Il assure une revente au « double du prix d’achat, en quelques années« . 

Il conclut par « Tant d’avantages réunis ne peuvent manquer d’attirer l’attention des personnes disposées à dépenser une somme de 30 à 60 000 francs pour se procurer une habitation agréablement située. »

Le maire de Boulogne Jean-François Collas (de 1835 à 1844), le notaire Heyrault (rue Heyrault) et le marquis de Castéja (rue Casteja) seront parmi les premiers propriétaires.

Entre 1832 et 1835 il vend, à Jean-Baptiste Braconnot, les deux hectares de terrains de la ferme Delaguepierre (actuels 117 à 119 rue du Point du Jour). En 1834 il fait construire la chapelle promise, place de Bir-Hakeim, qui deviendra la première église de Billancourt et dont il sera président du conseil de fabrique et bienfaiteur.

En 1836 il échange avec la mairie d’Auteuil (Billancourt ne dépend pas encore de Boulogne) le chemin vicinal qui passe devant sa ferme contre son nouveau réseau de rues, charge à la municipalité de les entretenir.

Mais son Nouveau Village de Billancourt n’est pas un succès, la desserte espérée par le chemin de fer ne vient pas et les acquéreurs se font rares. Peut-être le pionnier est-il trop en avance sur son temps ?

Des agriculteurs restent intéressés par les terrains : il donne en location 32 hectares de terres en 1839 à Jacques Benjamin Delaguepierre, puis 27 hectares en 1848 à Joseph Cheri Chorin, nourrisseur de bétail.

En 1855, il est âgé et revend les lots invendus au comptoir Bonnard, se réservant les bâtiments de la ferme pour son propre usage. Bonnard, puis son gendre Edouard Naud, poursuivront l’opération foncière avec davantage de succès.

Dans les années 1860, il demeure à Paris au 85 ou 97, rue Richelieu. Il fait faire son portrait par un des maîtres de l’époque : Horace Vernet. Ne vous fiez pas à cet air rébarbatif, une de ses connaissances dit de lui : « Il est impossible d’être plus accessible, plus affable en ses relations, plus patriarcal dans sa famille, d’une urbanité plus parfaite que ne l’était M. de Gourcuff. »

Il décède le 17 mai 1866 à Paris IIème, à l’âge de 85 ans. Il aura laissé sur Billancourt une empreinte durable que même la tornade Renault n’a pas réussi à effacer. La place Jules Guesde et ses rues en étoile en sont le vestige le plus évident.

Et si l’on baptisait une de ces rues à son nom ? Ce serait une bonne façon de lui rendre hommage.