L’abbé Gentil, l’énergique premier curé de Billancourt

Homme d’action, animé d’un grand esprit de service, l’abbé Gentil est l’une des grandes personnalités de Billancourt au XIXème siècle. Nous avions raconté comment, au plus fort des bombardements de 1871, il avait mis à l’abri 120 de ses paroissiens parmi les plus démunis. Le Cercle Généalogique de Boulogne-Billancourt, a mené une enquête généalogique sur cet homme d’exception. D’où venait-il ? Où a-t-il poursuivi sa mission ? Comment a-t-il fini sa vie ? Nous nous devions de republier ici, avec leur accord, le fruit de leurs recherches1.

Abbé Joseph Gentil (corrigé)
Abbé Joseph Gentil avant 1870

Cette photo est semble-t-il la seule représentant l’abbé Gentil et grâce à ses courriers2 nous savons à quel moment et pourquoi elle a été prise : « Je m’étais décidé à faire faire cette photographie avant le siège de Paris, dans l’unique but de la vendre deux francs au profit des œuvres charitables de ma paroisse, tout en satisfaisant au désir manifesté par un grand nombre d’habitants de Boulogne et de Billancourt d’en avoir un exemplaire. »

Au sujet de Billancourt et de son église

En 1825 Marie Casimir Auguste de Gourcuff, aristocrate breton et homme d’affaires, rachète la ferme de Billancourt et décide de la transformer en un lotissement résidentiel. En 1834 il fait construire une chapelle.

En 1860 à l’occasion de l’agrandissement de Paris, le village de Billancourt est rattaché à Boulogne.

La chapelle, qui porte le nom de l’Immaculée Conception, est agrandie et l’église est érigée en paroisse. L’abbé Gentil y est affecté en 1860 et il en devient le curé l’année suivante4.

L’émigration paroissiale

Après la défaite de Sedan, l’Empereur Napoléon III capitule et la République est proclamée le 4 septembre 1870. Le gouvernement de la Défense Nationale décide de poursuivre la résistance contre les prussiens et Paris est assiégé. De par sa situation géographique la ville de Boulogne ainsi que Billancourt se retrouvent dans une zone particulièrement exposée et toutes les familles qui le peuvent quittent la commune pour se réfugier en province ou dans Paris intra-muros. Mais pour les plus démunis ce n’est pas toujours simple.

C’est alors que l’abbé Gentil réfléchit à la mise à l’abri de ses paroissiens. Tout d’abord il se préoccupe des pensionnaires de l’orphelinat qu’il a créé trois ans auparavant. Une vingtaines d’enfants et leur maîtresse prennent la route de Chartres pour être hébergés dans le couvent de la Providence.

Les autorités encouragent les personnes inutiles à la défense de Paris (femmes, enfants, vieillards) à quitter la commune en accordant la possibilité de voyager gratuitement sur les lignes de Chemin de fer. L’abbé Gentil décide alors d’organiser l’émigration d’une centaine de personnes (femmes et enfants) en trouvant un lieu où logement et nourriture seraient bon marché. Son choix se porte sur la commune de Saint Jean d’Assé5 où s’était installée quelques années plus tôt une ancienne paroissienne. Ils y arrivent le 14 septembre.

Le 19 septembre il part pour Chartres afin de ramener à Saint Jean d’Assé ses protégés de l’orphelinat, la ville de Chartres se trouvant menacées par l’avancée des troupes ennemies. L’abbé Gentil finance de ses propres deniers les besoins de sa petite troupe tout en comptant sur la générosité des habitants de Saint Jean d’Assé.

Le 28 janvier 1871, après la signature de l’armistice, l’abbé Gentil décide de revenir à Billancourt pour évaluer la situation et le 18 février, après cinq mois d’exil, les 122 émigrés, ainsi qu’un enfant né entre temps, rentrent chez eux dans des conditions difficiles suite aux dommages qu’ont subi les habitations.

De même que l’abbé Gentil s’était fait photographier pour vendre les clichés au profit de ses œuvres, il va rédiger la « Notice sur l’émigration paroissiale« , dont les bénéfices sont destinés à renflouer ses finances mises à mal par le séjour à Saint Jean d’Assé et à continuer à venir en aide à ses paroissiens.

Portrait généalogique de Joseph Christophe Mathieu Marie Gentil

Il naît à Charonne (alors commune indépendante, aujourd’hui quartier de Paris) le 17 août 1826.

Ses parents se sont mariés l’année précédente à l’église Saint-Germain-de-Charonne.  Il y a sans doute été baptisé.

Située depuis 1860 dans le 20e arrondissement de Paris cette église est actuellement l’une des rares églises de Paris encore entourée de son cimetière.

La famille habite rue Saint-André (actuellement rue du Repos). Le père,  Claude Gentil, est employé au cimetière de l’Est (le Père Lachaise). Il est originaire de Jailly-les-Moulins en Côte d’Or. La mère, Marguerite Grandjean, vient de Tronville en Meurthe-et-Moselle.

Joseph Gentil a un frère, Pierre Charles, et une sœur, Rosalie Aline, qu’il évoque au détour d’une page de sa « Notice sur l’émigration ».

L’abbé Gentil arrive à Boulogne en 1852, nommé second vicaire à l’église de Boulogne, puis premier vicaire en 1855. 

Dans l’acte de mariage reconstitué de sa sœur Rosalie Gentil avec Louis Gay en 1857 on trouve l’attestation de mariage signée par J. Gentil, 1er vicaire de Boulogne. Le mariage a eu lieu à Boulogne « avec la permission de M. le Curé de Charonne. »

Il est ensuite affecté à l’église de Billancourt le 1er janvier 1860 et est nommé curé de l’église le 17 février 1861. Durant 13 années, il s’est mis au service de ses paroissiens, voir notre article.

En 1873 il devient curé de l’église Notre-Dame de la Croix de Ménilmontant, dans le quartier de Belleville à Paris. Deux ans auparavant les communards avaient voté dans cette même église la mort de l’archevêque de Paris, monseigneur Darboy.

Sur l’acte de décès de sa mère, Marguerite Grandjean le 21 février 1877, il est l’un des témoins avec son frère Pierre Charles. Il en sera de même en 1878 à l’occasion du décès de Claude Gentil, son père, mort à Billancourt, au 4 rue de la Ferme.

Lorsqu’il décède le 23 décembre 1880 à Paris 4e, il est chanoine6 titulaire de Paris depuis 1878 et réside rue Chanoinesse à côté de Notre-Dame de Paris.

Je vous propose de prendre congé de l’abbé Gentil avec cette parole de paix extraite de la « Notice sur l’émigration paroissiale » : « Maudits soient les rois et les peuples qui font la guerre sans une nécessité absolue, (…) Maudits soient ceux qui inventent chaque jour de nouveaux instruments de destruction ! » 


1 Revue du Cercle Généalogique de Boulogne-Billancourt n°54 automne 2022

² Réunis dans la Notice sur l’émigration paroissiale de Billancourt-lès-Paris – 2e édition

4 Bulletin de la section d’histoire des usines Renault – https://sites.google.com/view/revuesdrf/revues – n° 02 juin 1971 – article 06

5 Commune de la Sarthe, à une vingtaine de kilomètres au nord du Mans

6 Dignitaire ecclésiastique faisant partie du chapitre d’une cathédrale – Voir Archives de France – dossiers individuels des chanoines (1830-1905) cote F/19/2841

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