Au cabaret du curé

Au numéro 7 de la place Jules Guesde se dresse encore ce grand bâtiment de briques jaunes au fronton blanc. Il faut l’imaginer dans les années 30.

Le nom du café-restaurant qui occupait le rez-de-chaussée semble tout droit sorti d’un film de Pagnol : « Au Cabaret du Curé ». Un nom qui sent bon la gaudriole et les éclats de rire. Les archives ne disent pas si le curé de Billancourt (probablement le Père Pétron, à l’époque) venait y vider quelques godets après la messe, ni s’il avait donné son accord sur cette appellation. En tout cas, on est sûr qu’il n’en était pas le propriétaire !

Avant la construction de cet imposant immeuble, on trouvait là une modeste maison ancienne, qu’on a qualifié de « pavillon de chasse », avec son jumeau, de l’autre côté de la rue Nationale. Nous en avions parlé, souvenez-vous. Depuis la première guerre mondiale, cette petite maison appartenait à un certain Louis Jules Teinturier, un boulonnais de l’avenue Jean-Baptiste Clément. Elle abritait un petit café tenu par un certain M. Loiseau.

La petite maison est démolie et on construit en 1924 le grand immeuble qu’on connait aujourd’hui.

C’est un certain Auguste Elie Baudel, qui devient copropriétaire en 1924 puis propriétaire en 1928. Il y était domicilié depuis au moins 1915, selon son acte de mariage. Il est né en 1882 dans un tout petit village du Lot, près de Cahors. Monté à Paris, il épouse sa deuxième femme Germaine Fousset à Boulogne en 1915.

Le « Cabaret du Curé » voit le jour et il en tient le comptoir. Il y est recensé en 1931 comme limonadier, avec Germaine et leurs trois enfants Elie, Marcel et Christiane.

La magie d’internet et des bases généalogiques nous ont permis de retrouver et de contacter sa petite-fille. Elle a bien voulu nous autoriser à reproduire les portraits ci-dessous.

Selon elle, Auguste était ami avec Louis Renault. Ils avaient une chasse en Sologne, cela se faisait beaucoup à l’époque.

Le Cabaret du Curé fait partie des nombreux cafés de la place Jules Guesde à avoir copieusement abreuvé la main d’œuvre de Renault aux sorties d’usine. Et un ouvrier après le turbin, ça a soif !

L’ « Idéal Hôtel », hôtel meublé qui surmontait le café, avait son accès au 30bis de la rue Nationale. Au recensement de 1931, il était occupé par 102 personnes, essentiellement des ouvriers russes et chinois, travaillant chez Renault, Citroën et autres industriels :

Auguste Baudel meurt place Jules Guesde après la seconde guerre mondiale, en décembre 1946, à l’âge de 64 ans, quelques mois après son divorce. C’est son fils Marcel (restaurateur qui avait probablement pris sa succession) qui déclare son décès à la mairie de Boulogne. Nous savons que le restaurant a été vendu après cela.

Nous n’avons pas poussé plus loin notre enquête.

Aujourd’hui

L’inscription « Ideal Hôtel » au fronton a été effacée et le « Cabaret du Curé » est devenu un magasin.

En 2012, un bon ravalement l’a remis à neuf. Il fête cette années ses 100 ans, en toute discrétion. Il abrite aujourd’hui une agence de conseil en communication.

Laisser un commentaire