Les écuries-relais du comte d’Artois

C’est un sujet dont on ne savait quasiment rien avant que le Village de Billancourt ne s’y intéresse. Même les historiens  Penel-Beaufin, Couratier ou Bezançon semblaient ignorer son existence. Il a fallu tomber sur des documents du « carton Madoré » aux archives municipales. Au Village de Billancourt, nous nous sommes donné pour objectif de les faire revivre.

Nous sommes en 1770. Le comte d’Artois est le frère de Louis XVI, de Louis XVIII et le futur Charles X (entre 1824 et 1830). Il n’a que 20 ans lorsqu’il commande la construction d’écuries-relais à une centaine de mètres du vieux pont de Sèvres, sur la rive de Billancourt.

Ces écuries donnent sur la route de Versailles (rue du Vieux Pont de Sèvres), une route très fréquentée par la Cour et ses fournisseurs qui font des allers-retours entre Paris et Versailles. A l’époque, la plaine de Billancourt n’est quasiment constituée que de prés et de champs.

Charles, comte d’Artois en 1775 (A.-F. Callet) et scène de chasses royales – Château de Versailles.

A quoi sont utilisées ces écuries ? Les documents parlent d’un « relais pour les équipages de monseigneur le comte d’Artois« . Ce n’est pas un relais entre Paris et Versailles car les deux villes ne sont distantes que de 20 kilomètres et, à l’époque, on ne change de chevaux qu’après 30 ou 40 kilomètres. Elles sont certainement utilisées pour les chasses royales. Le bois de Boulogne et la plaine de Billancourt constituent une capitainerie où des remises à gibier ont été placées. C’est au XVIIIe siècle, apogée de la vénerie royale, que la cour connait le plus grand nombre d’équipages.

C’est d’ailleurs sur une des cartes des chasses royales que nous avons eu la surprise de localiser, pour la première fois, ces écuries,.

On sait, par ailleurs, que « mesdames » les filles de Louis XV, propriétaires du château de Bellevue, peuvent suivre du haut du coteau de Meudon, à la longue-vue, les chasses de Louis XVI avec ses deux frères (les futurs Louis XVIII et Charles X).

Les plans des écuries

Aux archives municipales1, nous consulté la proposition de construction de ces écuries, rédigée en 1777 par un certain monsieur Richard, entrepreneur à Versailles, à l’attention de monsieur de Sainte-Foye, surintendant des finances et bâtiments de Monseigneur le comte d’Artois. Dans ce document, Richard s’engage à « remettre les clés dans le courant de septembre de la même année et à se soumettre à l’examen et la visite des Officiers de Bâtiments de Monseigneur ». Le prix de 20 000 livres devra être payé sur trois années.

Ce document contient surtout cinq plans précieux qui nous donnent une idée précise du projet.

Le style est sobre et fonctionnel, sans volonté d’apparat. Le bâtiment se présente en forme de U, sur deux étages et sur une base carrée. ll mesure environ 16 toises de côté, soit un peu plus d’une trentaine de mètres. Les dimensions sont très modestes, au regard des écuries royales à Paris ou Versailles. Nous savons qu’il est complété par un jardin à l’est des bâtiments.

Les chevaux sont installés dans 24 stalles qui occupent trois salles dans le fond du bâtiment. Une fontaine alimente un abreuvoir dans la cour. Les remises, le chauffoir, la sellerie occupent le reste du rez-de-chaussée. Les logements du cocher et du postillon se trouvent à l’étage, à droite, et ceux des palefreniers, à gauche. Un concierge, lui, est logé près de l’entrée.

Les autres plans présentent le premier étage, les toitures et une coupe.

Un autre document nous apprend que le terrain a été cédé par le sieur Louis Mosqueron de Préfontaine, preneur du bail à rente du domaine de la ferme de Billancourt, avec l’accord de Nicolas Claessen, son bailleur (oui, c’est compliqué). Vendu pour 4 500 livres, le terrain fait 80 pieds de long sur 80 de large. En outre, le comte d’Artois s’engage à verser à Claessen 10 livres de rente foncière annuelle, somme étrangement faible2.

Une reconstitution 3D

Malgré nos efforts, nous n’avons pas trouvé de bonnes vues des écuries. Elles sont à peine esquissées, sur cette miniature de Louis-Nicolas Van Blarenberghe, ci-dessous, peinte la même année depuis les hauteurs de Meudon. C’est l’un des rares bâtiments visibles, à gauche, sur la plaine de Billancourt, avec la ferme monastique.

Il n’existe pas de bonne vue des écuries du Comte d’Artois ? Qu’à cela ne tienne, le Village de Billancourt en a fait une reconstitution en 3D. Ce long travail de modélisation a été rendu possible grâce aux plans de Richard. Non sans difficultés, toutefois, car les plans se contredisent parfois.

Et voici le résultat:

Cette modélisation est également interactive. Pour visiter les écuries du comte d’Artois à 360°, cliquer sur l’image ci-dessous et utilisez la souris pour vous déplacer.

Modélisation interactive – Village de Billancourt.

La reconstitution est-elle fidèle au bâtiment finalement construit ? Ces plans ont-ils été suivis à la lettre par les bâtisseurs ? Impossible d’être certain.

Que deviennent les écuries après la chute de l’ancien régime ? Peut-on trouver des vestiges ? Des photos ? Quand ont-elles disparu ? Au village de Billancourt nous avons poursuivi l’enquête… et nous avons trouvé. Rendez-vous la semaine prochaine.


  1. Cette copie est dans le carton Madoré, l’original est aux archives nationales cote R/1/61 ↩︎
  2. Ce n’est pas une coquille car ce montant figure dans d’autres documents relatifs à la ferme. ↩︎

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