Billancourt dans L’Année Terrible  – 1870 1871

Il y a 150 ans, au temps des cerises, en mai.

Alors que la guerre franco prussienne se termine, l’armée versaillaise de Thiers pénètre par le Point du Jour dans Paris insurgé. C’est le début de la « semaine sanglante » et la conclusion tragique de presque un an de guerre. Nous y reviendrons, car le « Village » va aussi évoquer le sort de Billancourt dans cette « Année Terrible », sort lié à sa position malencontreuse au croisement des batailles.

Pour bien situer cette position, un élément fondamental, les fortifications et plus particulièrement la zone du Point du Jour.

En 1844, les fortifications constituent un système défensif censé protéger la capitale d’une invasion des anglais, un dispositif colossal à la Vauban faisant le tour de Paris, long de 34 kilomètres de murs massifs, l’escarpe, suivi d’un fossé, d’une contre escarpe et d’un glacis. Puis, une zone non constructible sur 250 mètres permet d’avoir une vue dégagée. Rajoutez des postes de surveillance, les bastions, numérotés de 1 à 95, 17 portes, et 16 forts avancés.

Bastion_67_et_67_bis
Au niveau du bastion 67. On perçoit l’ampleur du dispositif. Le fossé a été investi par des jardins. Les immeubles au fond sont à Paris _ BNF vers 1920
Situation actuelle : avenue du général Clavery dans le 16ème arrondissement.

Après la capitulation de Napoléon III à Sedan, le 2 septembre 1870, les prussiens sont aux portes de la capitale le 17 septembre. Ils ne cherchent pas à y entrer mais font le siège et bombardent la ville, notamment depuis Montretout et le plateau de Châtillon. Les parisiens, terrorisés, sont affamés car coupés des sources de ravitaillement. On mange Castor et Pollux, les éléphants du jardin des plantes. Le rat, le chat et le chien se vendent à prix d’or.

Pour tenter de desserrer l’étau prussien, on se bat à Châtillon, Bagneux, Buzenval…

Le sort des habitants de Billancourt n’est pas plus enviable que celui des parisiens. Des obus tombent sur leur territoire, les sorties des assiégés ont souvent pour champ de bataille le quartier du Pont de Sèvres. Voir « L’abbé Joseph Gentil et ses 122 réfugiés de guerre« .

Mais, malgré ce qu’il en dit, le Gouvernement de la Défense Nationale qui a succédé à l’Empire est prêt à négocier la paix à tout prix. Ce sera au prix fort.

L’hôtel de la « Ville de Paris » est le lieu de rencontre entre français et prussiens lors des préliminaires de l’armistice, en janvier.

Après 4 mois d’un siège éprouvant, le canon se tait, Paris n’est plus bombardé.

S’ensuit le soulèvement des parisiens du 18 mars 1871. Des ouvriers, artisans, petits patrons, poussés à bout par la misère, n’acceptent plus la duplicité et les humiliations du nouveau pouvoir officiel à majorité monarchiste, dirigé par Adolphe Thiers. Ils ont élu une république sociale, la « Commune de Paris ».

Thiers et son gouvernement fuient et se replient sur Versailles.

Maintenant, des français se battent furieusement contre d’autres français à Rueil, Châtillon, Clamart, Issy, le Bas Meudon, sur les forts, le Point du Jour, les remparts. Auteuil est bombardé. Mais les « communards » ne parviennent pas à atteindre Versailles et perdent les forts de Vanves et d’Issy. Pour les Versaillais qui ont reconstitué leurs forces grâce à la « bienveillance » des prussiens, la route de Paris est désormais ouverte.

Prise en tenaille, la population de Billancourt souffre à nouveau de la faim, des tirs et des bombardements. (voir l’épisode de « l’épicier et l’obus de 1871« ).

Les troupes de Thiers pénètrent dans Paris par la porte du Point du Jour, le dimanche 21 mai 1871, l’étau se resserre sur les insurgés de la « Commune ». C’est un massacre impitoyable : la « semaine sanglante ». On ne sait toujours pas aujourd’hui le nombre exact des disparus, hommes, femmes et enfants. L’Histoire, la grande, ne s’y est jamais intéressée. Elle a préféré l’oubli.

Ironie de l’histoire : Thiers constate par lui-même l’inadaptation aux nouvelles technologies de la guerre de son système défensif voulu trente ans plus tôt lorsqu’il était Président du Conseil de Louis Philippe. Et c’est lui qui en force l’entrée ! Loin de les protéger, les fortifications auront été un piège pour les parisiens et les habitants de la proche banlieue et une bien illusoire protection pour la « Commune ».

Dès lors, l’armée et le gouvernement se désintéressent du dispositif et son démantèlement est envisagé dès 1882. C’en est fini de cette muraille encombrante.

Lentement, Billancourt reprend contact avec Paris.

Voici une lecture de la photo d’en tête due à Pierre Emonts (1831-1912. Un des photographes de la ville de Paris, il a laissé un témoignage précieux de la capitale d’avant les travaux d’Haussmann). Il se tient sur le bastion 64 et dirige son appareil photo vers Issy les Moulineaux.

  • Au  premier plan, nous sommes à Paris. La ligne brisée, en mauve, c’est l’escarpe de 10 mètres de haut et de 3.5 mètres d’épaisseur.
  • Devant, sur la zone non constructible de 250 mètres, les arbres ont été abattus en 1870. Puis ce sont les premières maisons de Billancourt.
  • Au loin, à gauche, l’île St-Germain et ses grands bâtiments, les magasins militaires. A l’horizon, la ligne des coteaux d’Issy et Meudon.

Vue Google map dans la même direction, plus en hauteur et au niveau du lycée Claude Bernard où se serait situé le bastion 64, celui où se tenait Emonts.

Le bastion 65 aurait été à l’arrière-droite de l’église Sainte-Jeanne-de-Chantal que l’on voit en bas de l’image.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là car l’aménagement des terrains libérés par le démantèlement des fortifications fut l’occasion d’un tour de passe-passe au détriment de Billancourt dont Paris a le secret. Toutes les explications sont dans le post « Paris nous a volé 500 mètres de berges ».

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