Le Hameau Fleuri, coin de paradis disparu

Nous lui avions consacré un court article il y a un an. Un peu trop court (jeune homme) on pouvait dire bien des choses (en somme). Disons-le tout net : le Hameau Fleuri est un des gros coups de cœur du Village de Billancourt.

Le Hameau Fleuri a été créé par un certain Auguste Lévêque, qui acquiert en 1850, auprès de Casimir de Gourcuff, un terrain de 30 000 m² environ, situé approximativement face à la Seine Musicale actuelle.

Le terrain de Lévêque en 1859, avant le découpage en lots et le tracé des nouvelles voies.

Il perce deux allées calmes : l’allée des Pervenches (à droite) et l’allée des Myosotis, entre la rue du Hameau, au nord, et la Seine. Ces trois voies n’existent plus aujourd’hui. Puis il découpe son terrain en lots qu’il revend à partir de 1862.

Le Hameau Fleuri en 1905
Le Hameau Fleuri en 1905.

Lévêque exige de tous les acquéreurs, par contrat, l’interdiction formelle d’abattre les arbres de leur terrain ou de s’opposer à leur replantation s’ils venaient à mourir. L’idée est très moderne pour l’époque.

Le hameau était clôturé par trois grilles de fer. Un gardien, employé par la copropriété, en assurait la tranquillité. Les photos de l’époque nous dévoilent son caractère bucolique, ombragé et irrésistible, loin de fracas de la ville. 

Hameau fleuri
Une belle journée d’été dans l’allée des Pervenches. Source : Archives du 92.

Ce quartier de verdure a ainsi attiré une clientèle aisée : l’artiste peintre Albert Fourré, avocats, pharmaciens, imprimeurs, commissaires-priseurs ou ingénieurs. Le cardinal-archevêque de Paris, Monseigneur Amette, y habita .

L’entrepreneur Henri Levoyer y crée un établissement de « lingerie perfectionnée » (Dieu sait ce que ça veut dire…). Il crée également, en 1889, un orphelinat qu’il confie aux Sœurs de Marie-Joseph, puis aux Sœurs servantes, que Levoyer remercie finalement début 1903.

On y trouve aussi le long bâtiment de la blanchisserie Vignon-Pommier, spécialisée dans les tissus délicats, comme les voilages.

Durant la grande crue de 1910, le Hameau Fleuri, très proche de la Seine, est durement touché :

Le Hameau Fleuri disparait, victime des appétits de Louis Renault, entre 1911 et 1917. Il use les propriétaires les uns après les autres et utilise des prête-noms pour racheter leur parcelle. Bien sûr, les arbres pourtant protégés par contrat, sont abattus. Mais c’est la guerre et les autorités ferment les yeux.  Le fabricant d’armement ne doit pas être importuné.

Aujourd’hui, après le départ de Renault, on a construit les grands bâtiments du quai Georges Gorse, avec leurs cafés et restaurants, et le Parc de Billancourt. Après sa parenthèse industrielle, notre Hameau Fleuri a finalement retrouvé une partie de sa verdure originelle. Il ne reste malheureusement plus aucun vestige de ce petit havre de paix.

Cet article est aussi l’occasion de tordre le cou à une légende que vous avez pu lire ici ou là sur Wikipedia ou quelques panneaux d’information : le Hameau Fleuri est parfois identifié comme étant  le « nouveau Village » de Gourcuff. Et bien non. A aucun moment il n’est mentionné dans les documents de Gourcuff, de Grenet, de l’abbé Gentil ou d’autres documents de l’époque. On ne le trouve mentionné que plus tard par l’historien Penel Beaufin en 1905 où il est clairement délimité par ses deux allées.

Ironie supplémentaire : le Hameau Fleuri ne se trouvait même pas sur le territoire du « nouveau Village » de Gourcuff, mais à côté !

Alors la prochaine fois que vous lirez des choses comme « …Gourcuff dessine le lotissement du Hameau Fleuri…« , (lu sur le socle de la sirène Renault, place Jules Guesde) vous saurez quoi en penser…

Ajoutons que la « rue du Hameau Fleuri », ruelle proche de la place du marché, et baptisée bien après, n’est pas non plus sur le terrain du Hameau Fleuri.