Mlle Élisabeth-Augustine Destrées*, décède en mai 1854 à Billancourt à l’âge de 43 ans. On se sait pas grand chose d’elle si ce n’est qu’elle avait acquis auprès de Gourcuff plusieurs terrains sur plusieurs hectares, au bord de la Seine notamment . Elle les lègue tous à Adrien Delahante, banquier parisien co-fondateur de ce qui deviendra BNP Paribas. Nous ne savons rien des raisons de ce legs.
Pour honorer sa mémoire (et peut-être une promesse ?), Delahante confie en 1855 un de ces terrains, situé au 50 rue Nationale, aux Sœurs Augustines Hospitalières de Sainte-Marie pour y fonder une école catholique gratuite pour jeunes filles pauvres.


Un décret de 1856 autorise la congrégation à accepter la donation de Delahante. Il nous apprend qu’elle consiste en une rente de 600 francs, un terrain de 15 ares (1 500 m²) qui porte déjà les bâtiments prêts à héberger l’école.
En mémoire de la défunte, l’école est baptisée « école Sainte-Élisabeth ». Pour la même raison, les élèves concluront systématiquement leurs prières quotidiennes par un « Sainte Élisabeth priez pour nous ».
L’historien Pénel-Beaufin nous donne beaucoup de détails sur l’école. Par contrat, elle devait permettre l’instruction de 40 jeunes filles. Elle comprenait, de plus, un externat et un asile (garderie). La commune de Boulogne avait droit à 22 places et la commune d’Auteuil (dont Billancourt dépendait) à 18. De l’enseignement on sait peu de choses si ce n’est que les filles reçoivent des cours de couture et de chant, entre autres.
Elle reçoit 20 autres jeunes filles en 1863, 20 autres en 1864 et ne cesse de s’agrandir. Elle reçoit des subventions de l’archevêché. Le curé Joseph Gentil, obtient, année après année, des subventions de plus en plus importantes du conseil municipal, notamment en faveur des enfants pauvres. Avant la guerre franco-prussienne, l’école s’était donné pour objectif d’atteindre les 300 élèves vers 1872.

Au moment de la déclaration de guerre de 1870, il y avait 160 élèves, de 6 à 13 ans. Durant les bombardements de 1871, l’abbé Gentil cache les pauvres petites filles de son orphelinat dans ses vastes caves voutées de l’école.
Après la loi de laïcisation de Jules Ferry, en 1881, les subventions publiques cessent et l’école fonctionne comme une école libre, subventionnée par la fondation Delahante et des dons
A la mort d’Adrien Delahante, en 1884, sans descendance, la propriété est léguée à sa nièce Marie Delahante.
On trouve, par-ci par-là, diverses informations supplémentaires : Entre 1893 et 1897, « l’école libre Sainte-Elisabeth » est inscrite régulièrement sur la liste des œuvres du Bazar de la Charité, le grand événement annuel caritatif et mondain de la capitale. L’œuvre passe notamment sous la direction de madame Edouard de Tavernier, une des grandes familles de Billancourt qui y recueille des dons.
Au début du XXème siècle, sur certaines cartes postales, l’école prend parfois le nom de « Cours Sévigné », cette appellation se trouve par ailleurs mais semble assez rare.


Sa localisation a été un vrai casse-tête : Penel-Beaufin et les photographies évoquent l’adresse du 50 rue Nationale. Or cette adresse nous mène à l’ancienne église, qui donne sur la place. Ça ne colle pas. Ce n’est qu’en examinant de près les photographies et en reconnaissant le clocher de l’église sur la photo ci-dessous que nous réalisions que l’école était située juste à côté, aujourd’hui le 40 rue Nationale.

Les photos aériennes, notamment celle ci-dessous, ont ensuite permis de confirmer la localisation. Ces photos montrent également un autre bâtiment construit à angle droit côté rue Nationale.



(on note au passage l’erreur du cartographe qui confond l’église et l’école)
Et, s’il fallait encore une confirmation, Penel-Beaufin nous raconte qu’en 1867, l’école récupéra la petite sacristie de l’église pour en faire sa chapelle.
En 1942, le bombardement britannique qui visait l’usine Renault, touche l’école et l’église. Les dégâts sont considérables mais ne font pas de victimes.


Un siècle après sa fondation, la première école de Billancourt a définitivement disparu.
Les deux terrains sont rachetés en mars 1948 aux héritiers de Marie Delahante par la régie Renault. Dans les années 50 elle semble servir de lieu de stockage (photo). Dans les années 60, elle y construit le bâtiment qui abritera la direction des Ressources Humaines. Un lieu qui a connu beaucoup d’agitation durant les événements de 1968.

Suite au départ de Renault, des promoteurs bâtissent en 2010 un immeuble d’habitation.

* L’orthographe varie selon les sources : « Destrés » ou « Destrée » ou « d’Estrées »
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