Enfin une photo de la ferme de Billancourt !

Nous avons fini par la trouver !

Ce n’est pas la plus belle photo du monde, mais c’est la première photo connue de la ferme de Billancourt. Elle est là depuis les profondeurs du moyen-âge, plus ancienne que l’église Notre-Dame de Boulogne, elle nous a donné son nom.

C’est sur un site d’enchères spécialisé dans la carte postale ancienne que nous avons trouvé, en juin 2020 ce beau panorama de Billancourt. Après avoir remporté les enchères et reçu la carte par la poste, nous l’avons scannée avec la meilleure résolution possible, puis nous avons commencé notre examen. Elle est oblitérée en 1903, signée du photographe E. Le Deley et est de qualité très correcte. Le format est inhabituel : il s’agit d’un double panorama très large, pris des hauteurs de Meudon. Nous ne présentons ici qu’un fragment de la partie droite. Au premier plan, coule la Seine tandis que, au loin, la toute jeune Tour Eiffel domine Paris. Au premier plan s’étale l’île Seguin. C’est à peu près tout ce qu’un oeil néophyte peut reconnaître.

Pourtant, les repères les plus évidents sont là : l’usine des glacières apparaît tout à gauche avec sa grande cheminée. On devine l’avenue du Cours (Emile Zola) plantée d’arbres à l’époque, les villas de la rue Théodore, On distingue quelques bâtiments de la place Jules Guesde, qui existent encore aujourd’hui. Le cadastre de 1905 nous donne encore d’autres repères disparus. En remarquant les alignements, nous traçons les lignes de visée sur une carte et constatons qu’elles se croisent sur la terrasse de l’ancien château de Bellevue, un point de vue très fréquenté à l’époque, sur le coteau de Meudon. C’est là qu’était posté le photographe.

Nous scrutons alors dans la direction supposée de la ferme. Comment la reconnaître au milieu de ces dizaines de bâtiments quand on ne sait pas bien à quoi elle ressemble ? Un premier indice nous saute aux yeux: ce n’est pas un bâtiment mais un simple mur, coupé en deux parties. Nous reconnaissons ce mur qui apparaît sur la carte postale de 1904 ci-dessous (et voir notre article Qui a détruit la ferme de Billancourt ? ).

Accolé au mur, apparaît un bâtiment bas, à moitié caché. Un peu plus loin à gauche, un autre bâtiment qui émerge des arbres. Il ressemble à celui déjà peint par Vauzelle en 1810.

Pour nous il ne fait aucun doute : nous avons bien là la ferme de Billancourt, celle qui a régné sur la plaine, durant huit siècles, la ferme de l’abbaye Saint-Victor.

Le bâtiment à gauche est la maison du maître, le logis où habitaient les propriétaires. Le petit bâtiment entre le logis et le muret est décrit en 1770 comme étant un poulailler, puis en 1782 comme la maison du jardinier. On ne peut voir le reste des bâtiments, cachés par les tilleuls de l’avenue du Cours (Emile Zola).

La découverte est certes modeste par sa qualité mais elle nous confirme un point important : les bâtiments étaient bien là à l’arrivée de Louis Renault. Voilà des mois que nous scrutions tous les panoramas à notre disposition, sans succès.

Mais était-ce encore une ferme, en 1903 ? Non, à cette date les terrains ne sont plus cultivés, le gigantesque domaine s été subdivisé, vendu puis bâti, parcelle après parcelle, depuis plus d’un demi-siècle par Gourcuff, puis les promoteurs Bonnard et Naud. La vaste grange a d’ailleurs été détruite au milieu du XIXème siècle.

Cette photo vient compléter les quatre vues que nous avons retrouvées : les tableaux de Vernet, Vauzelle et Himely et la tabatière de van Blarenberghe. Il est intéressant de constater que ces cinq vues sont toutes prises depuis les hauteurs de Meudon. Est-il impossible de trouver une vue de près ? Le village de Billancourt continue ses recherches.

La ferme de 1903 que nous avons sous les yeux est en sursis. En effet, dès l’année suivante, Louis Renault, nouveau propriétaire du terrain, la démolit et y bâtit des ateliers.