Le pont de Sèvres en 1820, selon Bacler d’Albe

Cette lithographie en tête d’article, « L’arche de halage du vieux pont de Sèvres » représente l’extrémité du vieux pont de Sèvres, côté Billancourt, vers 1820, peu avant sa démolition. Bien difficile à reconnaître !

Si le vieux pont était en bois, ses culées (extrémités) étaient en pierre. On distingue les chevaux et la corde qui servent à haler les lourdes embarcations vers Paris. Sur le toit de l’auberge, une girouette-enseigne en fer rappelle l’ancienne galiote et les autres embarcations qui assuraient le passage avec l’autre rive. À droite, sur le coteau de Meudon, se détache le château de Bellevue, aujourd’hui disparu. Contre la première pile, une cabane a été construite à l’aide de planches de bois et de débris divers récupérés par les pêcheurs. Un ensemble de longues nasses d’osier témoigne de l’importance de la pêche fluviale dans la Seine. Les paysans portent la courte veste et le bonnet de laine des portefaix romantiques. Sur le pont, une voiture retourne vers Sèvres après avoir probablement livré à Paris. À l’arrière, une femme adresse un signe (galant?) à un cavalier.

L’artiste a déjà 58 ans lorsqu’il réalise ces dessins. Ce vieil homme un peu fort qu’on peut croiser sur les rives du fleuve, avec ses crayons et son chevalet, cache un passé insoupçonnable : Louis Albert Guislain Bacler d’Albe a été le géographe et cartographe personnel de l’empereur Napoléon 1er ! En tant que chef de son cabinet topographique personnel de 1799 à 1814, il était le plus proche conseiller militaire de l’empereur.  L’un des plus anciens aussi puisqu’il était déjà à ses côtés au siège de Toulon en 1793. Il le suivait partout, en temps de paix comme en temps de guerre, et le conseillait sur le plan de la stratégie. Il a réalisé la « Carte de l’Empereur« , première carte homogène de l’Europe.

Qu’on m’appelle d’Albe” s’écriait souvent Napoléon, de jour comme de nuit.

Le baron Agathon Fain, secrétaire de l’empereur, a écrit  : « Souvent la grande dimension des cartes forçait l’Empereur à s’étendre de tout son long sur la table et d’Albe d’y monter aussitôt pour rester maître de son terrain ; je les ai vu plus d’une fois tous deux sur cette grande table et s’interrompant par une brusque exclamation, au plus fort de leur travail, quand la tête de l’un venait heurter trop rudement la tête de l’autre. »

En récompense de ses services, il a été fait général de brigade et baron d’empire.

Après la défaite de Waterloo et la chute de l’empire, en 1815, Bacler d’Albe, ruiné, prend une retraite forcée à Sèvres avec sa famille, dans une maison qui domine la Seine. Il consacre ses vieux jours à parcourir la région à la recherche de paysages pittoresques.

La « vue du vieux pont de Sèvres » ci-dessus, est prise du côté de Sèvres. On y voit clairement ses grands piliers en bois. Les arbres de l’île Seguin apparaissent au fond à gauche. Des pêcheurs et blanchisseuses se mettent à l’abri du soleil. Un porteur d’eau remonte la berge. À propos de ce pont, Bacler d’Albe écrit : « J’ai vu, pendant un hiver rigoureux, une grande partie des arcs-boutants qui soutiennent le tablier du pont emportés dans un instant par la débâcle ». Le vieux pont est vétuste et son entretien coûte cher.

C’est sous Napoléon précisément que la décision est prise de créer un nouveau pont, 300 mètres en  aval (à l’emplacement du pont actuel). Bacler d’Albe était là lorsqu’il ouvre à la circulation en 1820.

Dans cette lithographie intitulée « Le nouveau pont de Sèvres« , l’artiste nous le dévoile, plus large et solide que le précédent. On y distingue des carrosses. La cour du roi Louis XVIII ne réside plus à Versailles mais ça reste une voie de passage très empruntée. Au premier plan, on découvre la pointe aval de l’île Seguin. Après la démolition du pont de bois, l’île est à nouveau isolée. Les promeneurs y accostent désormais en bateau, sous le regard des pêcheurs. Le bâtiment sur l’île appartient à Armand Seguin. En 1820, sa tannerie ayant périclité,  il a transformé l’île en haras. Au fond se détache le coteau de Saint-Cloud, le pavillon de Breteuil, toujours là aujourd’hui, et la lanterne de Démosthène, disparue.

Cette dernière lithographie « Vue des coteaux de Sèvres et de Saint-Cloud« , offre un panorama magnifique sur la boucle de la Seine depuis les hauteurs de Meudon. L’ile et les bâtiments de la tannerie Seguin, cachés dans la verdure, guident le regard vers le nouveau pont de Sèvres, le village Saint-Cloud et, au fond à droite, le mont Valérien.

Bacler d’Albe meurt en 1824, à 62 ans à Sèvres, deux ans après la publication de son recueil « Promenades pittoresques et lithographiques dans Paris et ses environs » dont ces œuvres sont extraites. On peut le consulter en ligne sur Gallica.

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