Les pensées d’Adolphe Falaise

Derrière cette belle brochette de moustachus se cache une magnifique histoire qui nous est apportée par une de nos lectrices du Village de Billancourt.

Adolphe Falaise est un horticulteur installé à Billancourt au XIXème siècle. Il y crée de nouvelles variétés de pensées qui sont primées dans les concours horticoles nationaux. À la fin de sa vie, il se fait piéger : il croit vendre une partie de sa propriété à l’un de ses employés qui s’avère être un homme de paille de… « qui-vous-savez » !

Martine Riou est la descendante d’Adolphe Falaise. Laissons-là nous raconter son ancêtre :

Adolphe FALAISE naît en 1832 à Juziers, dans l’actuel département des Yvelines, dans une famille d’agriculteurs et de maçons implantée dans la région au moins depuis le début du 17e siècle.
Dans les deux ans qui suivent la naissance d’Adolphe, la famille FALAISE quitte Juziers, tout d’abord pour s’installer à Passy, alors commune indépendante, puis à Courbevoie et enfin à Boulogne. Elle habite au 25 bis rue Saint-Denis. Le père est jardinier-maraîcher. Les trois enfants, des garçons, dont Adolphe FALAISE, suivront l’exemple paternel.

En 1857 Adolphe FALAISE épouse, à Boulogne, Charlotte Toussine TRANCARD, blanchisseuse, appartenant à l’une des plus anciennes familles boulonnaises. Sur son acte de mariage il est indiqué qu’il est jardinier.

Dès le début des années 1860, alors que le couple s’est installé au 39 rue Saint-Denis à Boulogne, Adolphe FALAISE apparaît dans l’Annuaire Horticole contenant les adresses exactes des principaux horticulteurs, pépiniéristes et marchands-grainiers de l’Europe (1861) en tant qu’horticulteur, spécialiste des pensées. Il participe à des expositions et des concours où il remporte différents prix.
À son sujet, on peut lire en 1864 dans le Journal de la Société Impériale et Centrale d’Horticulture : « les produits de M. Falaise, horticulteur, rue Saint-Denis, étaient généralement beaux, les fleurs grandes, bien faites, c’est-à-dire arrondies et offrant un masque bien marqué, caractère essentiel de la beauté des pensées« .

En 1870 il devient membre de la Société d’Horticulture. Après 1871 la famille déménage et s’installe à Billancourt, d’abord au 109 puis au 129 rue du Vieux Pont de Sèvres. Il continue à développer de nouvelles variétés de pensées. Par exemple, en 1884, la Société d’Horticulture lui octroie une prime de 1re classe pour avoir produit des fleurs presque noires et qu’il appelle « la veuve ».

Pensée à fleurs noires, probablement similaire à la variété développée par Falaise – Lejardindescurieux.com
La Petite presse 1892
On ne plaisante pas avec Adolphe Falaise. La Petite Presse. 19 août 1892. Gallica.

À la recherche de la propriété Falaise

Au village de Billancourt, nous sommes partis à la recherche de cette propriété du 129 rue du Vieux Pont de Sèvres. Chose peu aisée car la numérotation de la rue a changé à la fin du XIXème siècle, le 129 devenant le 205, qui n’est pas le 205 actuel (pourquoi faire simple ?). Nous avons fini par la localiser et même trouver une photo.

Adolphe Falaise acquiert des époux Bastier cette propriété de 4 300 m² en août 1880. La zone est à l’époque encore moins construite que sur la photo ci-dessous. Les terrains se prêtent bien à l’horticulture.

On distingue clairement la maison du 205, entourée d’un jardin, et les grandes parcelles de culture sur lesquelles Adolphe crée ses nouvelles variétés de pensées. À gauche la propriété des Tavernier, tout juste acquise par Renault, se couvre de charpentes métalliques. À droite, des parcelles de voisins cultivateurs longent la rue de l’île, aujourd’hui disparue. Au fond à droite on reconnait les grands bâtiments du sanatorium, futur hôpital Ambroise Paré.

Dans le recensement de 1911, outre Adolphe et Charlotte, y réside également une cuisinière alsacienne, Salomé Heidenreich.

Le traquenard de Louis Renault

En 1912, Adolphe Falaise a 80 ans et sans doute l’idée de passer la main. Il vend les deux tiers de son terrain, le 205 bis, contenant les parcelles horticoles et un logement de trois pièces avec cuisine. L’acheteur est son (probable) employé René Varneau, jardinier maraîcher, qui y demeure déjà avec son épouse et ses deux enfants. La vente est signée devant notaire, le 19 juin 1912, pour 40 000 francs. Mais la réunion n’est pas terminée. Toujours chez le notaire, Adolphe découvre que Varneau n’est pas le vrai acheteur ! Celui-ci révèle qu’il agit en réalité au profit de Louis Renault, comme le précise la déclaration de command qui sera jointe à l’acte de vente :

Le procédé est légal et a déjà été employé de nombreuses fois par Louis Renault avec succès. On imagine la surprise d’Adolphe Falaise devant une telle trahison ! On ne sait pas comment Renault a approché Varneau, ni la teneur de leur accord.

Adolphe Falaise comprend alors qu’il aura pour voisinage des ateliers bruyants et polluants. De plus, Louis Renault acquiert, depuis le début de l’année, les propriétés environnantes à une vitesse surprenante. Falaise va être cerné, il faut partir. Moins de 2 mois plus tard, le 1er août 1912, dans les bureaux de Louis Renault, Adolphe Falaise cède le reste du terrain, 1 300 m², contenant sa résidence principale, son jardin et une serre, pour 35 000 francs. Cette fois, il n’y aura pas besoin d’homme de paille.

Les derniers jours d’Adolphe Falaise

Adolphe Falaise conserve une petite propriété de 500 m² de l’autre côté de la rue, au numéro 200. Il y passera ses derniers jours. Mais le paysage a bien changé. Après la mort d’Adolphe à 89 ans, ses héritiers la vendront aussi à Renault, le 2 mars 1927.

À l’occasion de son décès en 1921, la Société d’Horticulture écrit* :


* Adolphe meurt à Billancourt et non à Asnières

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