La plus belle avenue de Billancourt

L’avenue Emile Zola, qui s’étend de place Bir-Hakeim au Parc de Billancourt, existe depuis au moins trois siècles et a longtemps été l’avenue la plus belle de Billancourt. Mais ça c’était avant Renault. Le Village de Billancourt vous raconte son histoire mouvementée en deux parties, à commencer par la belle époque.

Une allée qui ne mène nulle part.

Lorsqu’on se plonge dans les plus anciens plans de Billancourt, alors que notre quartier n’était constitué que de champs et de prés, on ne voit que quelques rares chemins. Outre ce qui deviendra la rue du Point du Jour et la rue du Vieux Pont de Sèvres, on remarque une allée qui semble joindre la ferme monastique de Billancourt à la Seine.

La plus ancienne description de cette allée date de 1762, et figure dans un compte-rendu de visite rédigé par les architectes experts Danjan et Lecoeur, à la requête des sieurs et demoiselle Esprit, propriétaires de la ferme à l’époque.

Depuis la place verte ou gazonnerie en pâture au-devant l’entrée de ladite maison du côté de Sèvres, il y a commencement, au droit des deux puits du susdit clos jusqu’au bord de la rivière une allée et deux contre allées vertes formées par quatre rangs d’arbres élevés et qu’on élague, modernes par rapport à l’ancienneté dudit bail emphytéotique, la plus grande partie tilleuls, et le surplus ormes….

Les quatre rangées d’arbres suggèrent une volonté ornementale, à l’image des accès aux grandes demeures. Mais pourquoi vers la Seine ? Sur les photos de la fin du XIXe siècle et sur quelques plans, on remarque que les berges du fleuve formaient un replat à l’extrémité de l’allée, propice à l’installation de débarcadères. Nous faisons l’hypothèse que cette allée menait déjà à un ponton.

L’ère Gourcuff

Lorsque le baron Casimir de Gourcuff acquiert la ferme en 1825 pour en faire un lotissement résidentiel, il trace au milieu des champs de nouvelles voies qui préfigureront les rues actuelles autour de la place Jules Guesde. Il conserve la belle allée vers la Seine, et ses quatre rangées de tilleuls qu’il baptise « promenade plantée », sur ses plans promotionnels de 1826 (ci-dessous). Il y fait déboucher de nouvelles rues et projette d’y construire une salle de danse qui ne verra jamais le jour. On l’appelle aussi simplement « le Cours ». Son prolongement, plus étroit, vers la rue de la Ferme puis Boulogne est baptisée « Rue du Cours ». Nous avons là le tracé définitif de l’actuelle avenue Emile Zola.

Si la future place Jules Guesde a pour objectif de devenir le centre de son « Village de Billancourt« , la « promenade plantée » en sera la vitrine.

Interdiction de circuler

En 1836, le baron de Gourcuff cède son réseau de rues à la commune d’Auteuil, dont Billancourt dépendait alors. Dans le contrat, il rédige une clause spéciale concernant la promenade plantée : Il y sera « interdit d’y faire pénétrer et circuler les chevaux et bestiaux et tous véhicules quels qu’ils fussent« . Dit autrement : l’allée devra rester piétonne.

Cette clause ne facilite pas la vente des terrains mitoyens. Vingt ans plus tard, en 1857, le Comptoir de Crédit, qui avait racheté ces terrains à Gourcuff, trouve une astuce pour la contourner : de part et d’autre de l’avenue, il fait tracer deux contre-allées de deux mètres de large. Et voilà l’avenue du Cours enfin accessible aux véhicules ! Du moins, aux propriétaires.

En 1860, Billancourt est séparée d’Auteuil et intégrée à Boulogne. La nouvelle municipalité se désintéresse de cette voie au point que la voirie la croyait encore privée en 1892.

Sous le second empire, la rue Nationale et la place Nationale (Jules Guesde) deviennent rue et place Napoléon. L’avenue du Cours, elle, est renommée « Cours Eugénie », en l’honneur de l’impératrice.

Cette dénomination disparait avec la fin de l’empire, en 1870. Le nom « avenue des Tilleuls » devient alors courant.

La belle époque

Au tournant du siècle, nous découvrons enfin des photographies.

Dans le panorama ci-dessous, pris en 1903 par Le Deley depuis les hauteurs du coteau de Meudon, l’avenue du Cours se devine, plus qu’elle ne montre, sous son abondante végétation.

Ce sont les cartes postales qui nous la montrent vraiment. La large avenue se révèle un lieu plein de charme où les familles se promènement à l’ombre des arbres. Une promenade qui mène au bord de l’eau et qui n’est dérangée par aucun véhicule.

À l’époque, l’avenue du Cours descend jusqu’à la Seine, où accostent des voiliers de plaisance (Voir notre article). De là, on peut traverser pour herboriser sur l’île Seguin ou y déjeuner chez Sarreste. Des courses d’aviron, un sport récemment importé d’Angleterre, s’y déroulent.

De belles villas

L’avenue attire les parisiens fortunés qui y font construire de belles maisons à l’écart de Paris. C’est le cas de la cantatrice Manuela Marti (voir la Villa Morel), du courtier Thomas Taylor Fountaine (voir la villa Fountaine), ou de Rosalie Lécolle (voir la villa Aussillous). Nous avions découvert et décrit toutes ces demeures, souvenez-vous.

On y trouve également la résidence d’été d’un certain Alfred Renault, un parisien négociant en draps et fabricant de boutons, dont le fils Louis fera parler de lui.

Ils sont assureurs, banquiers, négociants, courtiers, avocats, artistes ou rentiers. Certaines villas sont des maisons de campagne, les autres sont des résidences principales.

En ce début de XXe siècle le fils d’un des résidents crée, avec ses frères, une petite usine de construction automobile dans le quartier. La première guerre mondiale aura une influence déterminante sur la plus belle avenue de Billancourt. Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour vous raconter la suite.

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