Armand Seguin, de l’île Seguin

C’est l’histoire d’une ascension éclatante suivie d’une terrible déchéance.

Armand Jean François Seguin (« Segouin », pour l’administration) est à la fois un chimiste, un médecin, un homme d’affaires, un industriel et un banquier. Il nait le 21 mars 1767 à Paris. Il a, dans sa jeunesse, été collaborateur de Lavoisier pour ses expériences sur la respiration animale. Il est également l’un des découvreurs de la morphine.

Lors de la révolution française, il invente un procédé rapide de tannage des cuirs. Sa méthode à base d’acide sulfurique et diverses solutions tanniques, traite le cuir en deux ou trois semaines au lieu de trois mois. Après la révolution, à la demande de la Convention, le préfet de la Seine lui vend en 1794 l’île de Sèvres pour qu’il y installe une manufacture de cuir. Il n’a que 27 ans et est déjà fournisseur officiel de l’Etat.

Malgré nos recherches, nous n’avons trouvé aucun portrait de notre homme. Nous avons pris contact avec ses descendants, peut-être aurons-nous quelque chose de la famille ?

Admirez le tableau de Hyacinthe Dunouy de 1821, en tête d’article. On y voit l’île et le pont de Sèvres. Les bâtiments de la manufacture y sont visibles au milieu de la végétation. Il y a aménagé un lavoir, un canal, des bâtiments divers et rouvert la buanderie de l’ancien propriétaire blanchisseur, Jean Riffé, qui disposait de grands séchoirs.

En 1795 il emploie 100 ouvriers et 200 apprentis. La manufacture traite plus de 100 000 peaux par an qu’il vend six fois moins cher que ses concurrents. Il fournit le cuir des chaussures des armées révolutionnaires puis des armées impériales.

La chaussure de troupe de l’armée de Napoléon n’avait ni pied droit, ni pied gauche

Napoléon 1er lui confie en 1796 le marché de « tous les cuirs tannés, corroyés et hongroyés nécessaires à la chaussure et à l’équipement de la totalité des troupes à pied et à cheval » pour une durée de 9 ans. La fabrique tourne à plein régime.

Mais le voisinage ne partage pas cet enthousiasme. En 1795 la mairie de Sèvres, de l’autre côté de la Seine, porte plainte « L’air est tellement infesté des émanations des corps pourris de l’atelier, des lavages pleins de sang putréfiés…enfin de la corruption des matières stagnantes dans la rue, que les passants sont obligés de se boucher les narines« .
Cette production industrielle signe l’arrêt de mort de la production artisanale et la manufacture Seguin est dénoncée par ses concurrents comme un monopole d’état. Il est accusé de vouloir « envahir et concentrer dans son atelier toute l’industrie des tanneurs de France« .

Armand Seguin devient l’une des plus grandes fortunes de France. Il donne des réceptions somptueuses qui éblouissent le tout-Paris.

Il intègre alors le groupe des « négociants réunis », une association de financiers chargés de trouver des liquidités pour les guerres de Napoléon. Mais il est embarqué par les spéculations hasardeuses du banquier Gabriel Ouvrard dans les affaires d’Espagne et est finalement emprisonné pour malversations entre 1810 et la chute de l’Empire.

Il est réhabilité à la Restauration, mais sa tannerie périclite, les commandes de l’Etat se tarissent, on n’a plus besoin de ses cuirs de qualité médiocre fabriqués trop rapidement pour les temps guerre. Il transforme l’île de Sèvres en un grand haras d’une centaine de pur-sang.

Bacler d'Albe - Vue des coteaux de Sèvres et de Saint-Cloud 2
La manufacture de l’île Seguin, vue de Meudon – Bacler d’Albe

A la fin de sa vie, Armand Seguin devient paranoïaque et odieux. Il persécute sa famille. Sa femme s’enfuit à Londres chez sa fille. Il meurt seul en 1835, à 67 ans, cloîtré dans son hôtel particulier de la rue de Varennes, abandonnant toutes ses affaires. Ses héritiers revendront ses biens et la plus grande partie de l’Île, sauf la pointe aval.

Son nom restera attaché indéfectiblement à l’île de Sèvres.

A la Belle Epoque, l’île abritera un tir aux pigeons et des résidences secondaires. Elle sera un lieu de promenade apprécié des habitants de Billancourt, jusqu’à son rachat par un autre industriel, Louis Renault, en 1919.

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