Le drame du 230 boulevard Jean-Jaurès.

C’est une petite place très ordinaire, le long du Boulevard Jean-Jaurès, avec ses immeubles en brique, ses arbres et ses bacs à fleurs. On y passe pour prendre son métro, d’autres s’y arrêtent pour boire un verre, chez Odette, ou rêvasser sur un banc . Mais qui sait que la place Solferino est née de l’horreur des bombardements alliés ?

Il y avait là un minuscule pâté de maisons, un triangle de moins de 50 mètres de côté, un seul immeuble de quatre niveaux, au 230 boulevard Jean-Jaurès, avec ses commerces, serré entre les rues de Solférino et de Clamart :

En 1933, l’immeuble était la propriété de la veuve Émile Baur, une parisienne. Au recensement de 1936, l’immeuble comptait 29 occupants. On y trouvait, entre autres, les boutiques de Louise Demaretz et sa fille, papetières et marchandes de journaux, l’épicerie de monsieur et madame Doré, et l’agence de contentieux d’Alphonse Lehoux. Parmi les résidents on trouvait aussi un instituteur, un comptable, un chef d’atelier et des ouvriers, avec leurs familles.

Le bombardement

Le dimanche 4 avril 1943, en pleine journée et sous un ciel clair, 88 bombardiers américains de la 8e Air Force survolent Billancourt à 400 mètres d’altitude. Leur objectif est l’usine Renault, sous contrôle ennemi, sur laquelle ils déversent 250 tonnes de bombes. Voir l’article que nous avons consacré à ces événements.

Certaines bombes s’égarent et frappent l’immeuble. Que sont devenus les habitants ?

Une certaine Isabelle nous a transmis un témoignage poignant : ses arrière-grands parents y avaient un appartement, qu’ils ont heureusement quitté en 1939. Au sujet de cette journée du 4 avril 1943, elle écrit: « Les nouveaux locataires de ce bel appartement ont été tués, ainsi que les voisins, amis de mes arrière grand-parents. Les cuisinières brûlantes ont dégringolé dans les caves« . C’était l’heure du déjeuner.

À la libération, la décision est prise de ne pas reconstruire. Le lieu deviendra une place publique, la place Solférino que nous connaissons aujourd’hui.

Les photos avant le drame

Nous avons recherché des photos et cartes postales du début du siècle, prises sous tous les angles. Grâce à elles, nous allons faire revivre ce petit immeuble de Billancourt. Tout d’abord, le voici, au centre, vu du boulevard de Strasbourg  (Jean-Jaurès), tel qu’on peut le découvrir en arrivant du pont de Billancourt. La boutique au coin est probablement la papeterie :

Au croisement des rues de Clamart et Solferino, on trouve  un petit magasin d’alimentation,  visible ci-dessous, à droite. C’est sans doute l’épicerie d’André et Mathilde Doré :

Les autres immeubles en brique sont toujours là. Vous les reconnaissez sûrement. Celui de gauche héberge aujourd’hui la « Boulangerie-au-carré« , B². C’était déjà une boulangerie, à l’époque. Plus loin se profile l’école des glacières de la rue de Clamart.

Ci-dessous, nous reconnaissons le même croisement, cette fois, vu depuis la rue de Solférino. L’immeuble bombardé est à gauche, la boulangerie est en face et la rue de Clamart part à droite :

Enfin, voici le croisement Jean-Jaurès / Solférino, vu depuis la rue du Dôme. L’immeuble bombardé est à gauche. Au rez-de-chaussée se trouve le restaurant d’Ernest Tonneau (en 1936) :

C’est en comparant la situation avant-après qu’on mesure à quel point le paysage a changé :

Jean-Jaures place Solferino AMDLa place Solferino en 2020

Une plaque commémorative apposée sur un bac à fleurs rappelle cet événement tragique. Elle est bien discrète, mais nous avons fini par la trouver :

Saurez-vous trouver l’erreur sur cette plaque ?

Pour davantage d’information sur Boulogne-Billancourt durant la seconde guerre mondiale, voir la remarquable exposition virtuelle organisée en 2020 par le service des archives de Boulogne-Billancourt.

One Reply to “”

  1. Bonjour, Le bombardement a eu lieu en pleine journée et non la nuit comme mentionné sur la plaque. Merci, j’adore lire vos article sur Boulogne. Martine

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