Les écuries-relais du futur Charles X

C’est un nouveau scoop signé « Le Village de Billancourt« . Même l’historien Penel-Beaufin dans son ouvrage de référence, pourtant si complet, semble l’ignorer.

Nous sommes en 1770. Le comte d’Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X, a 20 ans. Il vient de commander, pour 20 000 livres, la construction d’un relais de chevaux près du vieux pont de Sèvres, sur la rive de Billancourt.

Le comte d’Artois vers 1796, par Henri-Pierre Danloux.

Ces écuries donnent sur la route de Versailles (rue du Vieux Pont de Sèvres), à une centaine de mètres du pont, une voie très fréquentée par la Cour.

Elles permettent de faire une halte à mi-chemin entre Versailles et Paris et changer les chevaux. Elles sont probablement utilisées pour les chasses royales au bois de Boulogne ou dans la plaine de Billancourt.

Les écuries peuvent héberger 24 chevaux et sont équipées d’une sellerie, de magasins, et d’un chauffoir. Un concierge en assure le gardiennage. Une chambre est prévue à l’étage pour le cocher et une autre pour les palefreniers.

Le terrain était anciennement propriété du sieur Charles de Claessen, alors propriétaire de la ferme de Billancourt, puis du sieur Louis Mosqueron de Préfontaine.

Aux archives nationales on peut consulter la proposition établie par un certain monsieur Richard, entrepreneur à Versailles, à l’attention de monsieur de Sainte-Foye, surintendant des finances et bâtiments de Monseigneur le Comte d’Artois. C’est dans ce document que nous avons trouvé les plans ci-dessous.

Le bâtiment se présente en forme de U, sur deux étages et sur une base carrée. ll mesure environ 16 toises de côté, soit un peu plus d’une trentaine de mètres. Nous savons qu’il est complété par un jardin à l’est des bâtiments.

Les écuries ont été terminées et livrées en mars 1781.

Le Village de Billancourt n’a pas trouvé de bonnes vues d’époque de ces écuries. Elles sont juste esquissées, à gauche, sur la miniature de Louis-Nicolas Van Blarenberghe, ci-dessous, peinte la même année. C’est l’un des rares bâtiments visibles sur la plaine de Billancourt, avec la ferme.

Le devenir des écuries jusqu’à Renault

Durant tout le XIXème siècle le bâtiment apparait sur les cartes. On trouve en 1897 une demande d’autorisation, adressée au préfet de police, d’y exploiter une fabrication de cyanure de potassium et de chlorhydrate d’ammoniaque. On se sait pas si la demande a abouti.

On le distingue dans le panorama de le Deley de 1903. Il ne s’agit plus d’écuries car à cette date les bâtiments sont la propriété de la société Billerey qui y fabrique des « conserves de fruits au naturel et confits, confitures, ananas, amandes et pistaches« .

Elles sont achetées à Billerey par Renault en octobre 1919. L’automobile a supplanté la voiture à cheval, le symbole est fort.

L’année suivante, un état des lieux des usines Renault est confié à un cabinet d’architectes et les terrains de la société Renault Frères sont photographiées sous toutes les coutures. A cette date, les anciennes écuries sont abandonnées mais pas encore rasées. Reste-t-il quelque chose des écuries du comte d’Artois ? Oui, mais bien peu.

Les bâtiments ont profité de la réduction de la largeur de la rue du vieux Pont de Sèvres pour s’agrandir sur la rue. Ils sont également surélevés. Le bâtiment de gauche étant d’un seul tenant il ne peut être d’origine. Seules des stalles témoignent de leur usage originel.

Les plans de l’usine Renault de 1922, nous révèlent que les anciennes écuries ont été utilisées comme école d’apprentissage pour les ouvriers.

Le bâtiment est finalement détruit et laisse place, en 1925, à des ateliers Renault.

Un siècle après, un autre mammifère ongulé a investi les lieux. La crèche de la girafe n’est pas exactement au même endroit : les écuries étaient à une cinquantaine de mètres plus loin vers la Seine.

La crèche de la Girafe, en 2020. A proximité des anciennes écuries.

Découvrez également, dans cet article, le travail de reconstitution en 3D que nous avons mené sur la base de ces plans d’origine.


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