La petite église orthodoxe russe cachée

Elle est le dernier témoignage survivant de « Billankoursk ». C’est une petite église qu’on remarque à peine aujourd’hui. Vous la trouverez au numéro 132 bis de la rue du Point du Jour, au fond d’un passage couvert, entre deux immeubles modernes. Vous pourriez passer devant vingt fois sans la voir.

Cachée au fond d’un passage. Source : Maciej Leszczyński

Pourtant l’église orthodoxe russe Saint Nicolas ne devrait pas passer inaperçue, avec son bulbe bleu, typiquement russe, et son auvent ouvragé dans un style bien orthodoxe.

Mais que fait cette église orthodoxe russe dans notre quartier ?

Après la première guerre mondiale, une importante communauté de russes blancs chassés par la révolution bolchevique de 1917, se forme à Billancourt. Elle trouve un emploi dans les usines Renault. C’est ce qu’on a surnommé « Billankoursk ». Il nous faudra raconter cette histoire, un autre jour.

Cette communauté russe, forte de 3000 personnes environ, a besoin d’être nourrie spirituellement. Il lui faut une église. Les premières liturgies se déroulent dans une salle de restaurant, mais elle est bien peu adaptée. Un peu plus tard, la communauté déménage dans une caserne vide, aménagée en chapelle.

En 1926, un groupe de l’Union Russe en France fait appel au métropolite Euloge Georgievsky, de Paris, pour qu’il envoie un prêtre à Boulogne-Billancourt.

En 1927, on bâtit enfin une église. Elle est en bois et dédiée à Saint-Nicolas le Thaumaturge, grâce aux dons de paroissiens. Saint Nicolas était archevêque de Myre (Turquie) au IVème siècle. « Thaumaturge » signifie « qui fait des miracles ». C’est le saint patron des marchands et des voyageurs.

La communauté en exil a enfin un lieu digne pour célébrer la « divine liturgie ».

Une curiosité : notre église Saint Nicolas ne dépend pas de l’Eglise Orthodoxe Russe, mais est rattachée au patriarcat œcuménique de Constantinople. Pourquoi ? De nombreuses paroisses de russes blancs ont choisi, dans la France des années 30, de quitter la tutelle de Moscou.

Mais arrive la seconde guerre mondiale, la communauté souffre. La paroisse vient en aide aux plus démunis. Elle lève des fonds et organise la distribution de rations bon marché ou même gratuites aux pauvres, russes et français. Le raid aérien américain du 4 avril 1943 s’abat sur Billancourt. Le bombardement détruit le frêle bâtiment. La plupart des icônes et des ustensiles d’église sont heureusement préservés. Les services de Pâques devront se tenir dans un temple protestant.

À partir de juin 1946, une demande est envoyée au gouvernement pour inscrire la reconstruction de l’église dans les projets prioritaires, et la demande est acceptée. L’église et rebâtie au même endroit. Au lieu du bois, on utilise la brique, plus durable.

C’est l’église qui existe encore aujourd’hui.

N’hésitez pas à vous avancer dans le passage pour admirer son bulbe bleu. Au-dessus de l’entrée, sous un auvent aux formes gracieuses, l’icône de Saint-Nicolas, le patron de l’église, accueille les fidèles.

L’intérieur n’est pas bien grand, mais on y retrouve l’atmosphère chaleureuse des églises d’orient, avec icônes et porte-cierges témoignant de la prière des croyants. La belle paroi de bois décorée séparant clergé et laïques durant les offices, et appelée « iconostase », a été réalisée par Valentin Zvetchinsky:

Les offices y sont célébrés en slavon chaque dimanche matin. Songez aux milliers d’hommes et de femmes réfugiés, dépossédés de leurs biens, parfois miséreux, qui ont trouvé dans cette maison de Dieu la consolation de leur âme déracinée.

Pour en savoir plus, voir sur le site de la paroisse : http://boulogne-orthodoxe.fr/histoire-de-la-paroisse/

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