Une basilique Sainte-Thérèse à Boulogne-Billancourt ?

Nous l’avons évoqué la semaine dernière, le père Alphonse Lieubray, responsable de la petite chapelle Sainte Thérèse souhaite, après la première guerre mondiale, faire édifier à Boulogne une basilique en l’honneur de Thérèse de Lisieux, canonisée le 17 mai 1925 et proclamée, « Patronne des Missions » par le pape Pie XI.

Un projet à la mesure d’une grande sainte

L’architecte Charles Bourdery remporte le concours organisé en 1925. Il présente aux paroissiens ses plans et une maquette. Le projet est à l’image de la grande dévotion que la France a, à l’époque, pour la jeune carmélite et romp avec la simplicité de la chapelle.

Au-dessus d’un double entrée, une statue de Sainte Thérèse accueillera le fidèle. Derrière elle, une arcature gothique doit abriter une grande rosace. L’ensemble sera flanqué d’une tour-clocher qui préfigure celle qui existe aujourd’hui.

Les travaux peuvent débuter grâce une donation de 26 000 dollars. La première pierre est posée le 12 décembre 1926.

Un an après, le 4 décembre 1927, la paroisse est créée avec 4 prêtres et 23 000 âmes. Elle sera confiée durant 80 ans aux oratoriens.

Le coup d’arrêt brutal

Le chantier est interrompu à l’été 1933, faute de moyens financiers. En effet, l’une des bienfaitrices, d’origine américaine, est ruinée par la crise de 1929. Seuls les deux tiers de la crypte sont édifiés.

De plus, le projet perd son plus grand soutien : l’abbé Lieubray décède deux ans plus tard, en décembre 1935.

En 1937, son successeur, l’abbé Maurice Brasdu écrit :

« Rue de l’ancienne mairie, derrière une méchante clôture de planches mal jointes qu’une paroisse attend depuis plusieurs années sa future église dont les fondations sont pourtant presque achevées. A côté, au fond d’un passage apparaît une humble chapelle de secours aux murs tout noircis par les fumées de cette grande cité industrielle. Ce chantier abandonné, cette petite église au clocheton minable, ces 28 000 âmes, c’est la paroisse Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus »

Que faire de ces travaux inachevés ?

Un nouveau projet

En décembre 1937, l’architecte propose un projet plus modeste avec la création d’une église et non plus d’une basilique. La façade monumentale et sa rosace disparaissent, la brique côtoiera le béton et la pierre.

Les travaux reprennent en 1938, grâce à l’aide des Chantiers du Cardinal. Une nouvelle fois, il faut faire appel à la générosité des paroissiens qui peuvent suivre tous les mois sur la feuille paroissiale l’avancement financier du projet. Les donateurs, anonymes ou non, y sont mis à l’honneur.

Au-delà de la mission pastorale, le projet permet de donner du travail aux chômeurs du bâtiment.

Parmi les encouragements, on reçoit un mot touchant signé de la main de la sœur de Sainte-Thérèse, sœur Agnès de Jésus :

« Je demande à ma sainte petite sœur de veiller sur sa première paroisse parisienne« 

Photo Sainte Thérèse signée par sa soeur

Les travaux avancent vite. La croix et les reliques sont placées dans le clocher le 28 août 1939, c’est l’occasion d’une fête, malgré les tensions internationales. En octobre 1939, le gros œuvre est achevé, la nef est couverte.

L’église telle que nous la connaissons aujourd’hui, plus sobre que la basilique originelle. Elle attend ses cloches, ses vitraux et sa décoration.

En en arrière-plan, le clocheton de la chapelle de 1912.

Eglise Sainte Thérèse 1

Finir le travail

Les travaux intérieurs se poursuivent pendant la guerre. Jean Lambert Rucki sculpte le chemin de croix, les bas-reliefs des chapelles latérales et les chapiteaux de la crypte. La chapelle Saint-joseph nous montre, image très rare, un Jésus adolescent travaillant avec son père charpentier.

L’église est fragilisée par les bombardements de 1942 et 1943, comme l’a été celle de l’Immaculée Conception de Billancourt.

Il faut attendre la fin de la guerre, en janvier 1946, pour que le père Brasdu, déclaré « juste parmi les nations1 », puisse enfin faire placer les cloches dans le clocher. En effet, il avait eu l’idée de les faire enterrer dans la cour du patronage des filles, pour les protéger de l’armée d’occupation.

Le projet original de basilique de l’abbé Lieutray n’aura pas vu le jour, mais l’église Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus qui a pris sa place est aujourd’hui bien vivante et active.

Grâce au travail des artistes, verriers, sculpteurs et peintres qui ont fait de ce lieu un témoin de l’art sacré des années 1930, elle a reçu a reçu le label « Patrimoine du XXe siècle ».

Un livret nous raconte tout cela en détail (téléchargeable).


  1. L’abbé Brasdu cache, durant l’occupation, une famille de cinq réfugiés juifs tchécoslovaques ↩︎

Un article créé en collaboration avec le Cercle Généalogique de Boulogne-Billancourt.

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