Non, il ne s’agit pas de l’église actuelle, rue du Dôme, mais de l’église en bois qui l’a précédée. La connaissiez-vous ? On vous raconte tout ça.
Un petit rappel historique s’impose. La première église de Billancourt, n’était pas rue du Dôme, mais place Bir-Hakeim, sur les lieux d’une petite chapelle bâtie en 1834. Durant près d’un siècle, elle suffit à la petite population de Billancourt.

En 1942, elle est gravement endommagée par les bombardements alliés, nous racontions cet épisode ici. Il faut la reconstruire, mais le le nombre d’habitants est devenu bien trop important pour un terrain aussi petit. De plus, le curé de Billancourt souhaite rapprocher l’église de ses paroissiens. On décide donc de bâtir ailleurs et le grand plan de reconstruction d’après-guerre va aider financièrement.
À la recherche d’un nouveau terrain
La municipalité suggère d’abord un terrain de 1.268m² au 11, rue de Clamart, appartenant à un particulier, monsieur Dietherlen, mais la parcelle est jugée trop petite. Le curé lui préfère un autre terrain, plus vaste, à l’angle des rues de Clamart et de Meudon (Griffuelhes)1, donnant sur la place du marché (C’est le terrain de l’ancien couvent des dominicaines), voir le plan ci-dessous. Mais ce terrain appartient à Renault et celui-ci refuse de le céder.


et, à droite, un autre projet à la place de la piscine et de la patinoire – archives municipales.
Le projet le plus ambitieux situe l’église de l’autre côté de la rue de Meudon. Le plan d’aménagement de la ville de 1946 prévoit l’édifice dans le grand triangle occupé aujourd’hui par la piscine et la patinoire. Outre une surface considérable, la situation au milieu d’un grand parc est très séduisante !
Mais aucun de ces projets ne verra le jour.
Il faut parer à l’urgence, la paroisse n’a plus d’église, et, dès 1942, on évoque la nécessité d’un lieu provisoire.

Le patronage du 223 bd Jean-Jaurès et les Voltigeurs
En attendant un emplacement définitif, on opte pour le 223 boulevard Jean-Jaurès, proche de la place Solferino. Le lieu n’est pas choisi au hasard car c’était un lieu très vivant d’activités paroissiales, un patronage catholique pour garçons, dont les origines remontaient à 1891 et qui hébergeait plusieurs associations caritatives ou sportives. Parmi celles-ci, l’association omnisport des Voltigeurs de Billancourt2, créée le 22 mars 1907, encadrée par l’abbé Moris en 1921 et l’abbé Crépin en 1937 et qui existe toujours.
Selon le cadastre, il y avait déjà là une jolie chapelle3 depuis 1901, et une maison, au nom de l’abbé Charron, curé de Billancourt. En 1935, on organisait des messes le dimanche dans une des salles de réunions qui comportait un autel.

Une église provisoire en bois
La construction de l’église provisoire au 223 boulevard Jean-Jaurès est portée par l’abbé Leclercq, nouveau curé de Billancourt depuis 1946. Elle est attribuée par l’Etat au titre des « Constructions provisoires ». La municipalité contribue au financement en versant la valeur vénale du terrain nu de l’ancienne église, plus les indemnités reçues au titre des dommages de guerre.


La construction étant provisoire, le bâtiment sera en bois, une « baraque » d’un modèle fabriqué en grande série pour la Normandie dévastée lors du débarquement. Le bâtiment principal, de 30m x 18 m, est transporté à Billancourt et ses éléments entreposés rue de Solferino. On réutilise un bois foncé, issu des baraquements donnés par les canadiens.
L’architecte parisien M.J. Fromangé propose d’ajouter au bâtiment principal un porche en façade, un clocher, un baptistère et une sacristie. Nous avons retrouvé ses plans aux archives municipales. La municipalité s’oppose à l’adjonction du clocher compte tenu du caractère provisoire de la construction. L’abbé Leclerc défend son choix auprès du Ministre de la Reconstruction et fait valoir un argument pratique : l’accès à la tribune nécessite, de toute façon, un escalier extérieur. Le permis de construire est accordé. Pour aider à financer le tout, l’abbé Leclercq lance un appel aux dons, sous forme de cartes.
Pour donner un peu de caractère à l’ensemble, on ajoute un chrisme au pignon de la façade et on orne les abat-son du clocher par une large croix grecque.



La place Solferino est reconnaissable, en bas – IGN
L’église est bénie le 22 décembre 1946 par le cardinal Suhard. Après trois années sans église, les paroissiens de Billancourt ont enfin un lieu digne pour la messe dominicale et la vie paroissiale.

On installe, dans le clocher, trois cloches en bronze commandées par le curé précédent à un fondeur savoyard, M. Pacquard. Elles ont pour noms : Louise-Marie (300 kg, sonne en Si), Jeanne-Léone (400 kg, sonne en La) et Marie-Jeanne d’Arc (195 kg, somme en Do#). On a réutilisé le métal des cloches de l’église bombardée. « Pour leur baptême, en juin 1949, chaque cloche est habillée d’une petite robe bleue, blanche et rose, en broderies. Des dragées sont distribuées aux fidèles » raconte un témoin, Jacques Plagnol.
« On se croirait dans un chalet de montagne. C’était une église chaleureuse, vivante et très animée. Je me souviens des processions sur le boulevard Jean-Jaurès », se souvient une ancienne paroissienne.



Puis l’intérieur s’orne de fresques et de peintures portant la signature d’un talentueux artiste : Paul Mantes, ancien architecte et prix de Rome. La plus notable surmonte le maître-autel et représente une belle Vierge entourée d’anges. L’orgue est reconstitué, en partie avec la mécanique et les tuyaux sauvés de l’ancienne église.
Le curé organise parfois des bénédictions pour les animaux à la grande joie des enfants. On y voit des ânes et même un dromadaire, venus d’un cirque installé dans le bois de Boulogne.
Mais, 24 ans après les bombardements, le destin va encore frapper l’Immaculée Conception.
L’incendie de 1966
Nous sommes le mercredi 13 juillet 1966, en pleine journée. Le curé de Billancourt est alors l’abbé François Coudreau. Une première flamme part dans l’église. Avec la charpente en bois, le feu se propage très vite à tout le bâtiment. Les pompiers arrivent sur les lieux mais ne peuvent qu’essayer le limiter la propagation. La catastrophe attire journalistes et curieux. Rapidement l’église n’est plus qu’une grande carcasse de bois carbonisé dont les pompiers tentent d’éteindre les dernières braises.



Fort heureusement il n’y a pas de victimes. L’orgue est détruit et les cloches brisées. La sacristie n’est pas épargnée. Est-ce un accident ? Une malveillance ? Un problème avec les bougies votives ? Un problème électrique ? On ne sait pas.
C’était il n’y a pas si longtemps, beaucoup d’entre nous s’en souviennent. Les photos et anecdotes manquent, elles sont les bienvenues, si vous acceptez de les partager.
Heureusement, les paroissiens se seront pas à la rue car, en 1966, l’église définitive est quasiment terminée, sa crypte est d’ailleurs déjà achevée. C’est l’église actuelle de la rue du Dôme, dont la construction avait été décidée en 1956, bien avant l’incendie. Voir l’article « La construction de l’église de l’Immaculée Conception« .

Aujourd’hui, le 223 boulevard Jean-Jaurès est retombé dans l’anonymat. On y voit un immeuble d’habitation et des boutiques très passe-partout.


- Le restaurant Paparotti, si ça vous parle mieux. ↩︎
- Les Voltigeurs de Billancourt sont toujours en activité aujourd’hui et proposent des activités autour des sports de combat. Leur siège a déménagé depuis. Il s’agit de la plus ancienne association sportive encore existante à Boulogne-Billancourt. ↩︎
- Il reste à trouver à quoi elle ressemblait. ↩︎



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