La plus grande propriété de Boulogne-Billancourt

A la veille de la révolution française, le domaine de la ferme monastique de Billancourt était la plus grande propriété de Boulogne-Billancourt : 130 hectares (ou 1,30 kilomètres carrés). C’est quatre fois la superficie de la propriété des Rothschild au XIXe siècle au nord de Boulogne (30 ha) et c’est un cinquième de la superficie actuelle de Boulogne-Billancourt. Même l’usine Renault, pourtant immense (72 ha), n’atteindra pas de telles dimensions.

Le plan de 1770

En 1770, le propriétaire de la ferme de Billancourt est Nicolas Charles François de Claessen, ancien capitaine de vaisseau de la Compagnie des Indes et chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis. Il le détient, à titre de fief, de l’abbaye de Saint Victor à qui il verse annuellement des redevances.

Cette année-là, il fait dresser un grand plan de masse du domaine de Billancourt par Blessebois de la Garenne, voyer1 des Tuileries. Nous nous nous sommes procurés ce document unique aux archives nationales. Il est le seul plan détaillé que nous ayons des terres avant la révolution Française :

Par souci de lisibilité, nous avons porté ces limites sur une autre carte, à peu près contemporaine :

Nous avons sorti la calculatrice et avons converti les arpents, perches et toises en hectares. Et voici le détail, selon les cotes de l’époque :

  • A. Les bâtiments et cours de la ferme : 0,5 hectares
  • B. Les deux jardins attenants à la ferme : 2,8 hectares
  • C. L’île Seguin : 11,8 hectares
  • D. La moitié de l’île Saint-Germain : 13,1 hectares
  • E. Terres entre la Seine et le vieux chemin de Versailles (approx. rue du Point du Jour) : 33,5 hectares.
  • F. Terres entre le vieux chemin de Versailles et le nouveau (rue du Vieux Pont de Sèvres) : 31,3 hectares
  • G. Terres entre le nouveau chemin de Versailles et Boulogne (le chemin vert) : 17,7 hectares

Ce qui nous fait 110 hectares. Exactement : « 324 arpents et 43 perches, dans laquelle sont compris les petits chemins de traverse, remises, terres incultes, maison, cour jardin et avenues » selon la légende du plan de 1770.

La carte fait apparaitre ce qui est aujourd’hui la rue du Point du Jour (vieux chemin) et la rue du Vieux Pont de Sèvres (nouveau chemin). Le carrefour circulaire, au nord, n’est pas la place Marcel Sembat mais l’actuelle place du marché.

D’autres textes nous apprennent également que les îles sont couvertes de prés et de pâtures. A l’extrémité de l’île Seguin se trouve le logement du sieur Rinbault, en charge de l’entretien du pont de Sèvres, en bois. Pour davantage d’information sur la disposition de ces terres, voir « Que cultivait notre ferme de Billancourt? « .

Suis-je sur la ferme de Billancourt?

Les choses ont tellement changé depuis, il peut être difficile de se faire une idée. Voici donc limites de 1770 reportées sur une carte contemporaine. L’occasion de découvrir si vous habitez dans les limites du domaine de Billancourt :

On le voit, ces limites coïncident peu avec le tracé actuel des rues. Le domaine s’étend jusqu’au vieux pont de Sèvres dont il contrôle d’accès. Au nord, il suit le tracé du « chemin vert« , une voie disparue sous l’empire et dont il ne subsiste aujourd’hui qu’un petit tronçon : la rue du Chemin Vert, proche de la porte de Saint-Cloud. A l’est, il suit à peu près le boulevard Jean-Jaurès, c’est une coïncidence. Côté sud-est, la carré qui semble manquer s’appelait le quartier des Fesses. L’un des propriétaires, au XIXe siècle, M. Deschandelliers donnera son nom au tout petit passage qui existe aujourd’hui, seul véritable vestige de l’époque.

Le déclin du domaine de Billancourt

Et quelles étaient les limites du domaine au fil du temps ? Nous ne savons pas grand chose. La charte de 1150 qui avalise la vente de la ferme à l’abbaye de Saint-Victor évoque « un terrain d’environ une carruée, avec sa grange« . La carruée était une ancienne mesure agraire désignant la surface qu’on pouvait exploiter avec une seule charrue pendant une année. Ce qu’on peut estimer à 12 arpents, soit près de 5 hectares aujourd’hui.

L’abbaye de Saint Victor agrandit considérablement ses possessions au fil des siècles. Vers 1621, la ferme fait l’objet d’un bail à Germain de Rebours. Le document mentionne un domaine de 238 arpents, soit 81 hectares.

En 1786, juste avant la Révolution Française, l’acte d’adjudication à l’avocat Claude Thibault Sautereau, mentionne une superficie de 130 hectares. C’est la superficie maximale connue à ce jour. Nous n’en avons pas de cartographie malheureusement.

La Révolution française va tout changer : En 1793, lors de la Terreur, le domaine perd l’île Seguin (11 hectares), vendue par Jean Riffé au botaniste Augustin Sageret, puis l’ile Saint-Germain (13 hectares), vendue par Sageret. Il ne reste plus que la rive droite de la Seine.

Les propriétaires successifs aliènent le domaine petit à petit et vendent, parcelle après parcelle. Le domaine acheté par Gourcuff, en 1825, ne fait plus que 60 hectares. Après avoir loti Billancourt, puis vendu ce qui lui restait en 1855, il ne conserve plus que les 3 hectares qui entourent l’ancienne ferme. Le grand domaine agricole à Boulogne-Billancourt est devenu un parc avec un jardin à l’anglaise. Louis Renault devient le dernier propriétaire et rase très vite ce qui reste pour y bâtir son usine.

Aujourd’hui, il n’en reste plus aucune trace.


  1. Voyer : Officier chargé des voies publiques ↩︎

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