La construction de l’église de l’Immaculée Conception

C’est aujourd’hui la plus vaste église des Hauts-de-Seine. Elle dessert toute la paroisse de Billancourt, du pont de Sèvres jusqu’à Paris. Saviez-vous que la toute première église était tout juste capable d’accueillir deux ou trois familles ?

Les origines tragiques.

La première église de Billancourt n’est qu’une petite chapelle bâtie en 1834 par le comte de Gourcuff, créateur du Nouveau Village de Billancourt, sur ce qui est aujourd’hui la place Bir-Hakeim. À l’époque Billancourt ne comporte que quelques centaines d’habitants et essentiellement des résidences secondaires. Billancourt est érigée en Paroisse en 1860, lors de l’unification de Boulogne et Billancourt. Ses limites vont jusqu’à la rue Gallieni actuelle, pour une population de 1 800 âmes. Son premier curé est l’énergique abbé Gentil. Malgré plusieurs agrandissements, elle peine à accueillir tous ses paroissiens chaque dimanche.

Arrive l’industrie apportant une population essentiellement ouvrière. La seconde guerre mondiale éclate. Le bombardement allié du 3 mars 1942 touche grièvement l’église. Un bas-côté est détruit. Il faut reconstruire mais le terrain est trop petit, alors on cherche une nouvelle localisation, ce qui prendra du temps. En attendant, il faut continuer à assurer les offices. Pour cela, on construit une église provisoire en bois, sur le boulevard Jean Jaurès, près de la place Solferino.

« Léglise a roulettes »

La recherche d’un lieu définitif s’organise. L’association qui fait office de maître d’ouvrage s’appelle « La renaissance des clochers ». Elle est mandatée par la commune et l’évêché. Les curés successifs, leurs équipes et un « comité de construction » formé de fidèles, prennent également une grande part dans cette reconstruction.

Equipe de prêtres vers 1947 1948. Pères Dizes, Liegibel, Megrot, Leclerc et Fromange – archives paroissiales.

La municipalité suggère d’abord un terrain de 1.268m² au 11, rue de Clamart, appartenant à un particulier, monsieur Dietherlen, mais la parcelle est jugée trop petite. Le curé lui préfère un autre terrain, plus vaste, à l’angle des rues de Clamart et de Meudon (rue Victor Griffuelhes), donnant sur la place du marché (C’est le terrain de l’ancien couvent des dominicaines), voir le plan ci-dessous. Mais ce terrain appartient à Renault et celui-ci refuse de le céder.

Le projet le plus ambitieux place l’église de l’autre côté de la rue de Meudon. Le plan d’aménagement de la ville de 1946 prévoit l’édifice dans le grand triangle occupé aujourd’hui par la piscine et la patinoire. Outre une surface considérable, la situation au milieu d’un grand parc est très séduisante !

Au cours des années, plus de 10 terrains sont envisagés puis rejetés. Ces tergiversations sont telles que quelqu’un qualifie le projet d’église « à roulettes » !

La rue du Dôme

Le terrain actuel, rue du Dôme, est finalement retenu, le 27 juin 1956. Il est situé sur le site des anciennes usines Salmson, un fabricant d’automobiles en faillite. Il est central, pour la paroisse. Avec 3160 m², il a enfin des dimensions dignes de la population de Billancourt ! Mais il est grevé de servitudes de passage à tel point que seule la moitié de cette superficie est disponible pour la construction.

Le quartier sort d’une période industrielle; un très grand ensemble résidentiel moderne est en construction à proximité : la résidence du Point du Jour, appelée familièrement « les Pouillons ».

Le programme de la future église est fixé: une nef principale d’une contenance de 800 places avec une tribune de 250 places ainsi qu’une nef autonome de 600 places pour les catéchismes, mariages et obsèques, ainsi qu’un clocher. Dans les annexes on prévoit : deux sacristies, une pour les prêtres, l’autre pour les mariages (qui ne verra pas le jour). Un bureau pour chaque prêtre et un pour l’accueil, des logements distincts pour le curé, les prêtres et un gardien, enfin la possibilité d’aménager des salles de réunion en sous-sol.

La coopérative de reconstruction désigne l’architecte DPLG Maurice GrandJean. On lui doit les églises de Tournan en Brie, d’Oresmeaux et l’aménagement de la chapelle du Perpétuel Secours à Paris. L’époque est marquée par un renouveau de l’architecture sacrée, caractérisée par l’usage du béton et symbolisée par l’église du Raincy par Perret ou le couvent de la Tourette par Le Corbusier.

Grandjean propose un édifice large et moderne. Il ne cherche pas à concurrencer la hauteur des immeubles de la résidence Pouillon. Il prévoit un parvis surélevé par rapport à la rue, accessible aux véhicules, des espaces engazonnés accueillants pour les fidèles. Les cloches sont exposées dans une édicule, visibles depuis l’entrée, et non cachées dans un clocher. On plante un cèdre qui prendra, aujourd’hui des proportions magnifiques ! La deuxième église sera souterraine, sous la nef principale, comme une crypte. Cette crypte était encore là il y a quelques années.

Abritant la nef de l’église haute, la spectaculaire charpente métallique, en forme d’aile d’avion, s’appuie sur quatre forts piliers en acier.

La construction coûte environ 2 600 000 francs (400 000 euros) dont 38% sont financés par un emprunt de la paroisse (et remboursé par le fruit des quêtes dominicales), 27% par les indemnités de guerre (destruction de l’ancienne église), 7% par la commune, 7% par les chantiers du Cardinal. Le reste provient de dons et de fonds paroissiaux. Certaines réalisations sont directement payées par des dons anonymes : Le tabernacle, les orgues, les vitraux, la vierge et le maître autel.

Bénédiction des fondations 11 oct 1962

Bénédiction des fondations le 11 octobre 1962, par le père J. Valgalier, curé de la paroisse. Il jette une médaille à l’effigie de la Vierge dans un orifice destiné à recevoir du béton et y verse une truelle de ciment. Il mourra deux ans plus tard, sans avoir vu la fin du projet.

L’église basse (aussi appelée crypte) et le presbytère sont bénis en 1965.

Il existe une jolie tradition, dans le bâtiment, qui consiste à fixer un drapeau, un bouquet ou un rameau, au point le plus haut de l’édifice lorsque celui-ci est achevé. Ce symbole est désigné sous le nom de « drapeau ». C’est ainsi qu’en janvier 1966, les curieux ont eu la surprise de remarquer quelques fleurs fixées sur le bord de la toiture.

Le mercredi 13 juillet 1966, en pleine journée, un incendie se déclare dans l’église en bois du boulevard Jean Jaurès. Elle est entièrement ravagée, malgré l’intervention des pompiers. Heureusement, les paroissiens se seront pas à la rue, car l’église basse de la rue du Dôme est déjà ouverte depuis janvier 1965. Des décombres, on récupère les trois cloches. Elles orneront le campanile de la nouvelle église.

Un grand jour de mai 68

Arrive le samedi 18 mai 1968. Ce jour-là, les français ont les yeux rivés sur l’actualité nationale car le quartier latin est en ébullition, dans la rue l’anarchiste scande « ni Dieu ni maître ». La France est paralysée, passant, dans la journée, de un à deux millions de grévistes. L’usine Renault de Billancourt est à l’arrêt. Au numéro 63 de la rue du Dôme, c’est, au contraire, un grand jour de joie, car c’est l’inauguration de l’église haute et l’aboutissement d’un long projet.

Curé de Billancourt depuis quatre années, le père François Coudreau a envoyé les invitations. L’évêque de Nanterre, monseigneur Delarue, préside la cérémonie solennelle. Le maire de Boulogne, Alphonse Le Gallo, est là, ainsi que tous les paroissiens et de ceux qui ont œuvré à sa réalisation.

Le président du comité prononce alors un discours. Il parle de dévouement, de générosité, d’enthousiasme. Il évoque les « difficultés considérables, foncières, techniques, financières et administratives ». Il finit par des remerciements collectifs, aux hommes …et à Dieu.

On pénètre dans l’église par un narthex entièrement vitré. Le résultat est stupéfiant : L’espace intérieur est immense. La large couverture de lambris, en voûte inversée, semble flotter sans effort, au-dessus de fines bandes vitrées. L’ensemble est baigné de lumière, éclairé par de grandes baies de vitraux réalisées par Jacques Bony, Isabelle Rouault ou Jacques Le Chevallier. À gauche, on découvre une chapelle à la Vierge et un oratoire dédié au Saint Sacrement, abritant le tabernacle. Les bancs disposés en arc de cercle convergent vers le chœur, point focal des futures célébrations. Il est éclairé du dessus par un large lanterneau, et sobrement orné de panneaux de bois clair. À droite prend place l’orgue, coiffé de ses hauts tuyaux de métal qui ne demandent qu’à sonner.

« Que ce lieu est priant ! », s’exclame le père Pasquier, vicaire de la paroisse.

Les Billancourtois ont enfin trouvé un nouveau foyer spirituel, 134 ans après la petite chapelle de Gourcuff, 16 années après son bombardement et trois ans après l’incendie de l’église provisoire.

La plus vaste église des Hauts-de-Seine

En près de 60 ans l’église n’a, extérieurement, pas beaucoup bougé. La chapelle du Saint Sacrement est devenue chapelle du bienheureux Charles de Foucault, l’église basse a disparu et le sous-sol a été considérablement remanié. C’est, encore à ce jour, la plus vaste église du diocèse, et à ce titre elle héberge de grands événements diocésains. C’est aussi une paroisse active autour de son curé, le père Jean-Emmanuel Gouze, une équipe entreprenante qui attire des fidèles au delà des limites de Billancourt. On y distribue des repas chaque jour aux gens de la rue et on subvient aux besoins essentiels de plus de cent familles démunies.

Eglise Immaculée Conception avantEglise Immaculée Conception après
Si l’église a peu bougé, son environnement s’est considérablement embelli – Archives municipales & Google.

Le récit de la construction de l’église de l’Immaculée Conception a été racontée en détail vers 1995 par Jacques Plagnol, un paroissien, dans sa monographie : « La reconstruction de l’église de l’immaculée Conception« . Cet ouvrage précieux et très complet, disponible aux archives de l’église, nous a fourni un grand nombre d’informations pour notre enquête.

Découvrez davantage sur l’architecture de l’église et ses œuvres d’art, via le site de la paroisse :

PDF eglise

Deux videos à voir, pour terminer : Les esquisses du vitrail de la Vierge et le jubilé de l’église basse (2015):

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