Elle s’est appelée Grande Place, Place Nationale ou Place Napoléon. Elle a drainé vers elle tout Billancourt dès le XIXe siècle. Ses cafés ont abreuvé les ouvriers de chez Renault. Elle a vu ses pavés déchaussés plus d’une fois. Elle a traversé les bouleversements sociaux et historiques.
Qu’est-ce qui rend notre place Jules Guesde si unique ?
Tout village a sa place, bien au centre, avec son église, ses arbres et ses bistrots. Mais Billancourt n’avait pas d’église. Ce n’était d’ailleurs même pas un village, c’était juste une ferme au milieu des champs.
Une place au milieu de nulle part

Alors, lorsque le comte Casimir de Gourcuff acquiert le domaine de la ferme de Billancourt, en 1825 pour le transformer en lotissement résidentiel, il lui donne une place centrale. C’est ainsi que nait, au milieu de nulle part, la Grande Place. Elle apparait pour la première fois en 1826, dans ce plan de lotissement adjoint à la brochure du « Nouveau Village de Billancourt », le document promotionnel diffusé par Gourcuff et Cie.

On la reconnait bien avec sa forme rectangulaire et ses huit rues en étoile. La place est entourée de deux rangées d’arbres qui jettent leur ombre sur une fontaine. Les futures rues Nationale, de Meudon, du Point du Jour et Yves Kermen sont là. On les appelle rue de Saint-Cloud car elle mène à Saint Cloud, la rue des Princes car elle mène au quartier du Parc des Princes et la rue de l’Eglise, parce qu’on projette d’y construire une église, bien sûr.
La place Napoléon.
Avec Napoléon III, arrive le second empire. La rue Nationale prend le nom « rue Napoléon », l’avenue Émile Zola de « rue du Cours Eugénie » et notre Grande Place s’appelle « Place Napoléon ». Entre-temps l’église a été construite, mais sur une autre place, plus près des résidents, à l’angle de la rue du Vieux Pont de Sèvres et de la rue Napoléon (Nationale).


Le plan nous montre le terre-plein central qu’il conservera quasiment jusqu’en 2020 et un bassin dont on sait qu’il héberge des poissons rouges.
Victor Bonnard, principal promoteur des terrains de Billancourt après Gourcuff, organise, en 1861, une fête sur la place, avec envol de ballon, à l’occasion de l’inauguration du pont de Billancourt. Cette tradition perdurera jusqu’en 1914.
La population de Billancourt passe entre 1861 et 1866, de 1 800 à 2 300 habitants.
Entre 1869 et 1887, un marché se tient régulièrement sur la place, les mercredis et samedis. Il sera transféré dans la contre-allée de la route de Versailles puis à son emplacement actuel.
Les prémisses de l’urbanisation
Ce n’est que durant la deuxième moitié du XIXe siècle que la place commence à prendre vie. Ce sont tout d’abord ce qu’on a appelé les « pavillons de chasse », (qui n’en sont pas vraiment) deux petits bâtiments jumeaux qui encadrent l’entrée de la rue Nationale, en allant vers la Seine. Présents sur les plans dès 1834, ils sont les premiers édifices construits sur la place, selon le cadastre de 1842. En 1860, celui de gauche est la propriété de la veuve Lefèvre. Celui de droite, propriété de Louis Fournier et Alexandre Bican en 1860, subsistera jusqu’en 2008.


À la chute de l’empire, la place Napoléon prend le nom de « place Nationale ».
Un ensemble de trois immeubles bas abritant des commerces arrive à partir de 1860, au nord de la place, entre la rue du Point du Jour et la rue de Meudon. Les bâtiments existent toujours et donnent à notre place son petit air de village.



Courtois est bien plus qu’un épicier, il vend des articles de ménage, du tabac ou de l’essence pour les premières automobiles. Il ouvre aussi une buvette. Avec ce début de siècle arrivent les premières photographies (surtout des cartes postales). Si vous observez bien, nombre d’entre elles sont éditées par Courtois lui-même. L’auteur des clichés est probablement Lucien Courtois, le fils.

À la fin du XIXe siècle, la place est toujours bien peu fréquentée. Les passants sont, pour partie, des parisiens en vacances. On ne les voit qu’à la belle saison. Quelques nourrices profitent du petit square installé au milieu de la place et clôturé en 1888, pour promener leurs enfants. On y trouve des bancs, des becs de gaz et une vespasienne.



Selon les recensements, les résidents de la place passent de 29 à 60 habitants, entre 1891 et 1901, alors que la population de Boulogne-Billancourt avoisine les 50 000.
À partir de 1900, une grande maison bourgeoise fait son apparition au sud de la place, à l’emplacement actuel du lycée Simone Veil. Elle cache un grand jardin à l’arrière. Deux ans plus tard, Charles Geiger fait construire un immeuble mansardé blanc, de l’autre côté de la rue Gustave Sandoz (cette rue n’existe plus).


D’autres restaurants et cafés (marchands de vin) ouvrent progressivement : le Grand Comptoir du Point du Jour de M. Roussel, ou l’éphémère café-restaurant de la Place Nationale de M. Dognin.




Mais cette petite vie tranquille va prendre fin.

C’est dans ce contexte que va exploser l’industrialisation du quartier, à commencer par la grande usine des Glacières de Paris bâtie en 1898 sur les terrains de l’actuel parc. Mais c’est surtout avec Renault que la place Nationale va connaitre une transformation importante. C’est ce que nous verrons dans la suite de notre « petite histoire de la place Jules Guesde ».
Ah mais … au fait, qui était Jules Guesde ?



Et bien sur on parlera des « manifs » de 68 sur la place Nationale. Quand je suis rentré chez Renault en 1975, on disait que le tabac de la place était le plus gros chiffre d’affaire des tabacs en France.
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