C’était un élégant immeuble de rapport de six étages situé près du pont de Billancourt, au numéro 3 de l’avenue des Moulineaux (Pierre Grenier). Ce bout de Paris a été planté là vers 1905 dans le Billancourt populaire, au milieu des terrains vagues et des immeubles modestes. Que faisait là ce grand bâtiment bourgeois orné de deux tourelles en saillie, d’épis de faîtage et de fenêtres arquées à encorbellements ?



Nos recherches nous ont permis de retrouver l’architecte : Germain Salard. Né en 1836, Salard a dessiné des immeubles de rapport, hôtels particuliers ou groupes scolaires dans le monde entier.
Il collabore avec Gustave Eiffel sur le casino des Sables d’Olonne et la gare de Budapest. Il meurt en 1913
Source : Académie d’Architecture

Selon le cadastre, le propriétaire est un parisien dénommé Bourdis. La construction y est datée de 1905. Il y fait également construire un atelier de photographie et un atelier de mécanique qui ne dureront que jusqu’en 1926.
Sans surprise, l’immeuble reprend les codes des immeubles haussmanniens de l’époque : des commerces du rez-de-chaussée aux chambres de service sous les toits mansardés, en passant par un entresol (1er étage), les étages nobles (2e et 3e étages), plus hauts de plafond, un balcon filant et une façade ornée côté rue, mêlant brique et pierre de taille. Nous avons une idée de l’aménagement intérieur grâce aux plans publiés dans la revue « Maisons Modernes » et conservés dans la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Chaque étage principal comporte deux appartements avec salon, salle à manger et deux ou trois chambres.
L’immeuble semble avoir été racheté vers 1917 par l’industriel Salmson, qui le conserve de nombreuses années.
En 1926, le concierge s’appelle Emile Julienne et vient du nord de la France. En consultant les différents recensements, on compte plusieurs ingénieurs de chez Salmson qui y vivent avec leur famille. On trouve aussi des employés et des ouvriers de chez Renault, probablement logés dans les étages supérieurs.


Au rez-de-chaussée, sont installés, au début des années 30, un marchand de vin nommé Grange et une mercière : Jeanne Fléchet.
L’immeuble Salard est détruit à la fin des années 50, en même temps que l’usine Salmson. Une de nos lectrices se souvient : « des fenêtres des cuisines, je voyais l’énorme boule qui commençait à détruire Salmson, en attendant que nous soyons expulsés de cet immeuble voué à la démolition ».
Il sera resté une exception dans ce quartier très industrialisé, presque une incongruité. Les anciens se souviennent peut-être de lui ?

Photo aérienne vers 1950 – IGN.
La planque de Jacques Mesrine
En 1963, Fernand Pouillon achève la grande résidence du Point du Jour sur les décombres de l’usine Salmson. Le 8 mars 1973 à 18h30, Jacques Mesrine, surnommé « l’ennemi public n°1 », recherché pour braquages, évasion et meurtres, est arrêté à cette adresse du 1 avenue Pierre Grenier, devant l’ascenseur, alors qu’il revient de ses courses. En planque avec une caissière de supermarché canadienne, il occupe un appartement loué – ironie du sort – à un magistrat en poste à l’étranger. Ses faux papiers indiquent l’identité de « Nicolas Scaff, architecte ».
Aujourd’hui, devant le n°1 de l’avenue Pierre Grenier actuel se trouve un espace vert, c’est exactement l’emplacement de l’immeuble disparu.




A noter pour l’anecdote que Jacques Mesrine logeait à ce numéro peut avant la fin de sa cavale
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Merci pour cette anecdote. Je l’ajoute à l’article. Après vérifications, l’arrestation de Mesrine a eu lieu le 8 mars 1973, soit plus de dix ans après la destruction de l’immeuble. Jacques Mesrine se planquait donc dans un immeuble de la résidence Pouillon, à la même adresse.
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