Rien à déclarer ?

Quand on parle d’octroi, on imagine une institution d’un autre âge et on s’étonne d’en voir sur les cartes postales au XXe siècle. Mais, d’abord, qu’est-ce que l’octroi ?

L’octroi est une taxe, un droit de passage pour certaines marchandises au profit de la municipalité dans laquelle vous entrez. L’octroi est aux produits ce que le péage actuel est aux véhicules ou aux personnes.

Une loi du 28 avril 1816 permet au conseil municipal de Boulogne d’établir un « octroy rural » sur les vins, cidres, eaux-de-vie et vinaigres.

Pour percevoir la taxe, on construit des petits bureaux postés à l’entrée de la ville qu’on appelle « barrière d’octroi » ou « octroi » tout court. Il y en a neuf sur tout Boulogne-Billancourt en 1905. La perception de cette taxe occupe alors 21 personnes sous l’autorité d’un préposé en chef.

Les produits de première nécessité comme le blé ou la farine en sont exemptés. Pour faire entrer votre marchandise à Billancourt il vous en coûte, par exemple :

  • 33 francs le quintal de viande de bœuf
  • 15 francs l’hectolitre de vinaigre
  • 1 franc 50 pour un poulet ou un canard
  • 15 francs l’hectolitre de boisson gazeuse non alcoolisée
  • 55 francs pour un cerf, une biche ou un sanglier (!)

(Et si vous n’avez pas de quoi payer, vous pouvez toujours manger la marchandise).

Les cinq bureaux de Billancourt

Sur les neuf bureaux, cinq étaient basés sur le territoire de Billancourt, au début du siècle dernier. Nous sommes partis à leur recherche sur toutes les photos disponibles.

Un premier octroi était situé au pont de Billancourt. Établi vers 1862, en même temps que le pont, il est fait de bois et de briques. C’est certainement le plus pittoresque (voir aussi la photo principale) :

On trouvait un deuxième octroi au Pont de Sèvres, à l’entrée de l’actuelle avenue du Général Leclerc :

Un troisième bureau était situé porte de Billancourt, sur les quais, à la sortie de Paris, au niveau de l’enceinte de Thiers (le périphérique actuel) :

Le quatrième octroi était placé à la porte du Point du Jour, entre la porte de Billancourt et celle de Saint-Cloud. Cet accès n’existe plus aujourd’hui.

Le dernier bureau, en briques, était celui de la porte de Saint-Cloud.

Fraude et contrebande

Cet impôt est très impopulaire. Il provoque des mécontentements, des retards de livraison et des tracasseries administratives. La fraude et la contrebande sont considérables à l’octroi de Paris, surtout sur les vins et spiritueux. Ainsi le chansonnier Gabriel Edant écrit-il, dans une de ses chansons à boire : « De là cet article de foi / Qu’il est bon de frauder l’octroi ! ». Gustave Flaubert, dans « l’Éducation sentimentale« , décrit le personnage truculent de monsieur Arnoux, homme d’affaires peu scrupuleux, qui indique notamment que : « c’était pour lui un devoir de frauder l’octroi ».

Dans un « Musée des Fraudes de l’Octroi », article publié en 1897, on peut trouver bon nombre d’astuces déjouées par les receveurs : bidons à double fond, buches creuses remplies de tabac, corset gonflé d’alcool ou accessoires de voitures truqués. Et comment soupçonner cet honnête fabricant de couronnes mortuaires qui livre sa production dans Paris ? Chaque couronne contient en réalité un bidon de 40 litres d’alcool !

Quand ont-ils disparu ?

La Restauration avait promis de l’abolir en 1815, la IIe République en 1848, Napoléon III en 18691 et le conseil municipal de Paris en 1897. Durant l’occupation, l’octroi rend difficile l’approvisionnement de Paris. La pénurie et le marché noir l’ont rendu complètement inadapté. C’est finalement le 2 juillet 1943 que Pierre Laval, le chef du gouvernement du régime de Vichy, met un terme à l’octroi. Il fallut donc l’occupation allemande pour y parvenir !

Les bureaux sont rapidement démolis. Et si on supprimait aussi les péages de nos autoroutes ?

Pour en découvrir davantage, nous vous invitons à vous plonger dans ce numéro spécial  » mémoire vive «  édité par le service des archives de Boulogne-Billancourt.

Image memoire vive les Octrois 2007

  1. Mais le conseil municipal de Boulogne s’y opposa en 1870, faute d’une taxe pour la remplacer. ↩︎

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