Boulogne s’appellera désormais Boulogne-Billancourt

Le 30 juillet 1924, il y a un siècle, jour pour jour, le conseil municipal présidé par André Morizet, donne, par un vote, son nom actuel à notre ville. Pourquoi si tard ?

Au commencement, il y avait deux entités administrativement bien séparées: Boulogne, bourgade serrée autour de son sanctuaire , et Billancourt, domaine agricole peu peuplé de la Seigneurie d’Auteuil. Ces deux mondes très différents n’avaient guère d’intérêts communs. Que s’est-il passé ?

Un mariage arrangé

En 1860, la capitale s’agrandit et annexe les communes environnantes. La nouvelle enceinte qui entoure Paris coupe la commune d’Auteuil en deux et la partie intra-muros est absorbée. Que faire de la partie située au-delà de l’enceinte ? Trop peu peuplée (1800 habitants), elle ne peut constituer une commune à part entière. Le préfet Haussmann tranche donc et donne Billancourt à Boulogne. L’annexion entraine la colère des habitats de Billancourt qui se voient refuser leur indépendance et la résignation de ceux de Boulogne qui ne voient dans cette annexion que des dépenses supplémentaires.

Nous avons raconté les péripéties de cette histoire dans cet article : « Quand Billancourt voulait devenir une commune indépendante« 

La nouvelle commune ne change pas de nom pour autant, elle continue de s’appeler Boulogne-sur-Seine. Billancourt est le cadet des soucis de la municipalité qui gère sa moitié sud avec légèreté, au grand agacement des administrés de Billancourt.

La guéguerre nord-sud.

Pendant longtemps le conseil municipal est divisé en deux circonscriptions ou sections: les conseillers de Boulogne et les conseillers de Billancourt, chaque section ayant sa représentation particulière au conseil. Les conseillers de Boulogne, peu favorables à l’aménagement de Billancourt, sont en plus grand nombre.

Les deux populations se mélangent peu. La riche citadine et bourgeoise est au nord, la pauvre, rurale et peu peuplée reste au sud. Sur les cartes postales, les registres du conseil municipal ou dans la rue on parle soit de « Boulogne-sur-Seine« , soit de « Billancourt« . On lit la « Gazette de Boulogne » et il n’y a pas de « Gazette de Billancourt ».

Les conseillers de Boulogne ont des opinions plutôt conservatrices et catholiques, ils défendent la propriété individuelle. Les conseillers de Billancourt, après avoir été des « radicaux » très anticléricaux, sont remplacés en 1904 par des socialistes ouvriers.

La mésentente est complète. Le maire envoie régulièrement promener ses collègues de Billancourt. En 1896, Billancourt demande la séparation, sans succès. En 1913, c’est au tour de la section de Boulogne de demander la division en deux communes indépendantes, par crainte de l’accroissement du nombre des conseillers socialistes de Billancourt. Le maire de l’époque, M. Lagneau, y est personnellement favorable, même si, en tant qu’élu, il doit rester neutre.

La procédure est annulée par la guerre.

Boulogne devient enfin Boulogne-Billancourt

Arrive la Grande Guerre. L’industrie au service de l’effort de guerre hisse Renault aux sommets de la modernité. La population ouvrière de Billancourt s’accroit fortement. Elle constitue le vivier de l’électorat d’André Morizet, le nouveau maire socialiste, élu en 1919. Billancourt compte beaucoup, désormais, dans la vie de la commune. Il faut faire quelque chose, un geste symbolique fort s’impose.

Le 30 juillet 1924, le conseil municipal vote le changement de nom. C’était il y a 100 ans, exactement.

Le conseil général du département de la Seine rend un avis favorable en juillet 1925 et le décret est signé par le président de la république en novembre. Le changement est annoncé par le maire André Morizet par voie d’affiches à la population en janvier 1926 : Boulogne s’appellera désormais Boulogne-Billancourt.

Comptez bien, depuis l’annexion de 1860 il a fallu 65 ans pour que notre ville prenne son nom définitif !

« Boulogne-Sud » ?

Aujourd’hui, dans les conversations et sur les réseaux sociaux on ne parle toujours que de « Boulogne ». On utilise parfois « Boulogne Nord » et « Boulogne Sud ». « Boulogne Sud » ? Ça n’a pas de sens ! Nos aïeux ne comprendraient pas.

Le nom « Billancourt » semble bien être sorti de l’usage. Peut-être ce terme a-t-il été trop marqué par l’industrie ? Par un passé jugé un peu gris ? Par des divisions sociales d’un autre temps ? C’est bien dommage car, nous le voyons bien avec notre blog, avec ses belles villas disparues, la ferme médiévale et des bords de Seine qui ont inspiré les peintres, Billancourt c’était bien plus que cela.

Réhabilitons « Billancourt » et les « billancourtois ».

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