Lorsque j’ai vu cette photographie pour la première fois, j’ai cru à une erreur. Cet hôtel particulier ne pouvait pas être situé place Nationale (Jules Guesde). Avec son élégant pinacle, il est trop beau pour avoir disparu, il devait sûrement se cacher ailleurs dans Billancourt. Les erreurs n’étaient pas rares sur les cartes postales.
Puis je suis tombé sur la deuxième photographie, ci-dessous, portant la date 1904. Donc OK pour la place Nationale et OK, il a disparu.

C’était l’élégante du quartier, la belle dame de la place. Elles n’étaient pas rares, ces belles demeures à Billancourt, avant « vous-savez-qui ». J’ai évoqué la Villa Flora, j’en montrerai d’autres.
Qui sont ces personnes qui posent devant ? On sait que les photographes provoquaient à l’époque des attroupements, faisant sortir les gens de leur maison.
J’ai trouvé des informations. Cette belle maison bourgeoise appartenait à Ernestine Alexandrine Bican, née Grivet, veuve d’un fondeur de cuivre et rentière. Elle est décédée en 1909 à l’âge de 62 ans. Elle employait Louis Armand comme concierge et Alphonse Germond comme jardinier. C’est à peu près tout ce qu’on sait d’elle. Restait à savoir où se situait cette maison exactement ? Pourquoi elle a été détruite ? Et qu’y trouve-t-on à la place.
Comme beaucoup d’autres, elle a été broyée par le rouleau compresseur Renault. Entre 1900 et 1930, parcelle après parcelle, l’usine Renault gagne du terrain en direction de la place Nationale (Jules Guesde). Elle s’étend sur sa droite, rue du Point-du-Jour où elle absorbe l’ancienne ferme de Billancourt et l’immeuble de la maison Geiger-Dognin :

A sa gauche, rue de Meudon, Renault crée un immense bâtiment surmonté d’un château d’eau, finissant ainsi de la prendre en tenaille. Sur ces images du début des années 30, on la voit encore, noircie, salie et misérable.

Les vues aériennes sont désolantes, la maison Bican y apparaît minuscule au milieu des ateliers, comme une anomalie en sursis.
Au début des années 30, Louis Renault acquiert l’édifice et le démolit. Il achète aussi à la municipalité, complaisante, la rue Gustave Sandoz qui la longe, puis il ferme la rue à jamais. Il bâtit à sa place la célèbre entrée monumentale qu’on peut voir aujourd’hui.

Les deux photos aériennes ci-dessous, de 1925 et 1934, montrent la place Jules Guesde et la maison Bican (au bas de la photo) avant et après sa destruction.
1925 Zoom sur la place Jules Guesde 1934 Zoom sur la place Jules Guesde
Autres vues des dernières années de la Maison Bican :
Ces images sont peut-êtres celles qui illustrent le mieux ce bouleversement de l’histoire de Billancourt. Et que dire de cette dernière vue, prise depuis l’usine, vers 1923 ?

Fin de l’ancien monde. Billancourt a changé d’ère.
4 Replies to “La belle grande maison bourgeoise de la Place Nationale”