On a retrouvé la ferme de Billancourt ! (1/2)

La ferme de Billancourt, ce grand bâtiment qui remonte au moyen-âge et qui a donné son nom à Billancourt, longtemps le plus grand édifice de la plaine, apparaît sur nombre de cartes et plans cadastraux jusqu’au XIXème siècle. Mais aucune image ne semblait être parvenue jusqu’à nous. Ni photo, ni gravure, ni dessin, rien.

Alors, nous avons cherché ! Pour relever ce défi, il nous a fallu « penser hors du cadre », sortir de Billancourt et monter sur le coteau de la Seine. Après une recherche de plusieurs jours, nous avons trouvé cette vue. Elle est tirée d’un grand panorama de la boucle de la Seine, peint par Carle Vernet vers 1810 depuis les hauteurs du pavillon de Brimborion à Meudon.

Billancourt se présente dans l’axe de la route du vieux pont de Sèvres. La ferme de Billancourt y apparaît nettement, c’est le grand bâtiment à droite, au bout de la route qui part du pont. Oh bien sûr, c’est une vue lointaine, mais tout de même, on peut se faire une idée claire de la disposition des bâtiments, de la nature des toitures, en tuile et en ardoise. On y voit l’allée d’arbres qui préfigurera l’avenue Emile Zola.

En consultant le cadastre d’Auteuil de 1823, le doute n’est pas permis, c’est bien la ferme de Billancourt :

On peut repérer le pavillon de Brimborion, dans l’axe du pont, sur cette carte de la même époque, dite des « chasses impériales ». Le château de Bellevue, face à l’île Seguin, offrait également un beau point de vue , on le verra plus loin :

Le tableau ne mesure que 60 x 92 cm mais est étonnamment riche et présente nombre d’autres détails intéressants (clic droit pour ouvrir en grand dans un nouvel onglet). Au premier plan on peut voir le vieux pont de Sèvres en bois qui enjambait l’île Seguin, avec une circulation importante. C’était un axe majeur en direction de Versailles depuis que la cour y résidait. On y voit également les maisons du hameau du pont de Sèvres, à l’entrée du pont et l’ïle Seguin. Détail amusant : Un alignement de bateaux, en aval, révèle la construction en cours du pont de pierre, qui a débuté en 1808. Tout à droite, se dresse le château de Bellevue tandis que sur le côté gauche on reconnait Saint-Cloud et son pont.

Et ce n’est pas tout.

Nous avons trouvé d’autres vues, toutes les deux prises du chateau de Bellevue à Meudon. Ainsi ce panorama de Sigismond Himely de 1836, une estampe aquarellée, prise de la terrasse du château :

Jean-Pierre Lebaillif, un ancien de Billancourt, a retrouvé la miniature ci-dessous, datant de 1777 peinte sur une tabatière par Louis-Nicolas Van Blarenberghe, vue du même endroit. C’est la plus ancienne vue connue de la ferme, à notre connaissance :

La ferme apparaît sur ces deux dernières images mais malheureusement trop sommairement pour qu’on puisse en tirer quelque détail que ce soit.

Comment avons-nous trouvé toutes ces vues ? Voici l’histoire.

Tout commence avec un constat : il n’existe aucune représentation de la ferme de Billancourt. Aucun auteur n’en mentionne, les références bibliographiques connues sont muettes, les archives municipales, départementales et nationales ne donnent rien. Il faut se rendre à l’évidence: personne n’a songé à immortaliser l’édifice de son vivant. Il y a quelques jours je reçois une photographie panoramique en noir et blanc, prise par Hippolyte Blancard en 1871, des hauteurs de Saint-Cloud vers le pont de Sèvres. La ferme n’y est pas visible mais je réalise que si nous voulons une image de la ferme, c’est sur ce type de panorama que nous avons une chance de la trouver. Le coteaux étaient des points de vue appréciés, le château de Bellevue, à Meudon, ne portait pas ce nom sans raison. Alors commence une recherche intensive autour des mot-clés « Hippolyte Blancard », « Saint-Cloud », « Meudon », « château de Bellevue », « Brimborion », « panorama », « vue de la Seine », etc… De référence en référence, de site d’archives en Wikipedia, de lien en lien, on finit par trouver quelque chose ! Tout d’abord la tabatière de 1777 a été repérée par Jean-Pierre. Ensuite, je retrouve dans le livre « histoire de Boulogne-Billancourt » de Bezançon le panorama de Sigismond Himely. La ferme y est à peine esquissée, mais on la voit. C’est Sigismond Himely qui me fait enfin, tomber sur le Saint Graal : ce catalogue de l’exposition « Les peintres de la belle boucle de la Seine » de 2015-2016 au Musée Français de la Carte à Jouer d’Issy-les-Moulineaux. Dédiée à la boucle de la Seine dans l’art, ce serait bien le diable si on ne trouvait pas une vue intéressante parmi toutes ces oeuvres. Et, bingo, outre le tableau d’Himely, le tableau de Carle Vernet est là, avec ses détails et une ferme, au loin. Je zoome, c’est bien elle !